Le meilleur patron ne sait jamais tout, mieux que tout le monde !
Par Manon Le Naour, Directrice du développement d’IPRH Consultants, Formatrice en management, communication, auditrice.
Diriger une équipe, qu’on la rejoigne ou qu’on la constitue, est un exercice complexe qui demande des qualités, de l’expérience, une vision pour mettre en place une stratégie et une organisation… Il faut savoir s’entourer de celles et ceux qui disposent des expertises nécessaires à la réalisation de ses objectifs, des compétences complémentaires aux siennes pour créer une force collective qui permettra autant d’administrer et développer, que d’innover, performer, se dépasser…
Pour un dirigeant (ou une dirigeante), le danger est de chercher à recruter des personnes moins compétentes, parfois sans le réaliser, afin qu’elles ne fassent pas d’ombre, ou pour se donner l’illusion de toujours tout maîtriser. Dans une fonction de direction ou de direction générale, plus inquiétante encore est la personne persuadée de maîtriser toutes les compétences de l’entreprise et de tout savoir mieux que ses équipes. La personne aveuglée par son égo, au point de se croire plus compétente que ses équipes, ne relève pas de la classe des grands patrons.
Comment, pour un dirigeant (ou une dirigeante), réussir son intégration et sa prise en main d’une équipe, d’une organisation, au moment de sa prise de fonction ? Est-ce qu’on attend qu’il ou elle soit un faiseur, ou un décideur ? Son rôle est-il de donner la direction ou d’expliquer les méthodes ? Comment installer sa crédibilité pour se faire respecter, reconnaître et motiver dans une fonction de direction ?
L’empathie, qualité essentielle du manager
Réussir ses premiers pas à la tête d’une nouvelle équipe est assurément un exercice délicat qui demande de faire preuve de subtilité. Il faut se conformer à un esprit, à une culture, tout en apportant ses compétences et sa personnalité. Il y a donc de bonnes attitudes à privilégier, ainsi que des erreurs à éviter. Celui ou celle qui arrive tête baissée dans un nouvel environnement professionnel, trop sûr(e) de son savoir, voire de tout savoir, risque d’hypothéquer son image auprès de ses équipes, comme auprès de ses pairs. Ce mauvais départ ne sera peut-être pas sans conséquences sur ses résultats, et pourra même affecter durablement sa position et ses performances. Si l’empathie demeure une qualité essentielle du manager (nécessitant parfois un travail sur soi indispensable à un certain niveau de responsabilité), la réussite de l’intégration dans l’entreprise peut s’articuler autour de trois mots clés : observation, humilité et énergie.
Le bon comportement est l’observation
On peut avoir travaillé des semaines ou des mois sur les chiffres et l’organisation d’une entreprise, on ne la connaîtra vraiment que le jour où on y sera plongé concrètement et durablement. Ce que dégagent les équipes, l’atmosphère et les clients est essentiel à la bonne compréhension d’une maison. L’ADN, la culture, les pratiques d’une entreprise sont à observer, à connaître et à comprendre au plus vite, notamment si on a aussi été recruté pour les faire évoluer.
En outre, il ne faut évidemment pas confondre vitesse et précipitation. Il est utile de confronter les avis, consulter toutes les parties prenantes, prendre du recul sur les premières impressions et émotions. On peut rapidement avoir le sentiment de percevoir des tendances, encore faut-il bien comprendre les raisons qui amènent et confirment la réalité de premiers constats rapides.
Un grand patron, comme tout bon manager, commencera donc par rencontrer ses équipes, aller sur le terrain, au plus proche de toutes les fonctions, pour écouter, échanger et s’imprégner de celles et ceux qui font l’entreprise. À l’inverse, s’isoler pour commencer à planifier et décider sur la base de croyances ou de certitudes, s’appuyer sur des méthodes ou des pratiques pas nécessairement adaptées, reste une mauvaise approche et certainement une erreur à éviter.
L’humilité facilite l’intégration
Si l’entreprise fait appel à vous, c’est assurément que vous disposez de la compétence recherchée, même si l’histoire ne manque pas d’erreurs de casting. Avec ou sans période d’essai au contrat, il faudra toujours faire vos preuves, et vos propres succès dans une précédente entreprise ne suffiront probablement pas. Pour autant, vous n’êtes pas la seule personne compétente au sein de l’entreprise. Comme le travail d’observation, l’humilité facilitera l’intégration. Mieux vaut commencer par identifier les compétences de chacun pour développer son équipe, plutôt que tout casser pour tenter de s’imposer en chef par une forme d’autorité antédiluvienne. Il est préférable de construire ou reconstruire une équipe à partir de ses forces, au lieu de ne voir que ses supposées faiblesses.
Ni toxique ni dangereuse, l’humilité vous permettra d’apprendre beaucoup des autres, avant d’apporter ensuite votre propre savoir. L’humilité donne généralement un temps de réflexion utile, souvent lié à l’observation, permettant de réussir son intégration et d’asseoir une légitimité forte, fondée sur la personnalité et les compétences, et pas seulement sur le pouvoir de la nomination et de la fonction, insuffisant pour être respecté. L’humilité, et la force d’un dirigeant, c’est aussi savoir s’entourer de personnes plus compétentes que soi dans leurs domaines, notamment plus compétentes techniquement.
Insuffler une nouvelle énergie
Quand il y a un ou une nouvelle arrivante, il peut y avoir des craintes mais aussi des attentes. La principale crainte est généralement celle du changement, déstabilisant et potentiellement menaçant pour sa situation personnelle au sein de l’équipe ou dans l’entreprise. La première attente est souvent celle de l’énergie nouvelle qui doit être insufflée. Cette énergie, porteuse d’ambitions, de renouveau, doit animer les équipes, les engager sur une nouvelle dynamique, de nouveaux projets, qui donneront ou redonneront rapidement du sens à leur mission et les conforteront dans leur rôle au sein de l’organisation. Pour être durable, cette nouvelle énergie ne peut pas s’inscrire uniquement dans le cadre d’effets d’annonce. Elle doit envelopper à la fois les ambitions de développement de l’entreprise et la considération portée à ses collaborateurs et collaboratrices. Elle doit porter les équipes pour leur permettre de se dépasser, notamment grâce à une stratégie partagée, des échanges réguliers avec le management, une communication maîtrisée…
Être attentif à tout et à tous, sans nécessairement chercher à se mettre en avant, en sachant transmettre son enthousiasme, tel est le défi à relever pour vous intégrer avec succès dans une nouvelle entité à diriger. Diriger, c’est avoir la responsabilité d’embarquer et guider des équipes, de les animer et surtout de décider, pas de savoir faire ou savoir tout faire.
En s’appuyant sur trois forces, l’observation, l’humilité et l’énergie, et en veillant à ne pas se laisser submerger par son égo, on a toutes les chances de parvenir à poser les fondations solides d’équipes motivées, engagées, performantes, qui se sentiront menées par un dirigeant ou une dirigeante respectable et respectée.