| Tribune Octobre 2023

Tribune Octobre 2023

En management, infantiliser, c’est méprisant !

Par Patrick Rasandi, Fondateur d’IPRH Consultants, Formateur, coach certifié, membre du Bureau du Syndicat des Métiers du Coaching.

Si l’empathie est une qualité personnelle indispensable au management, que certains érigent même en compétences, tout le monde n’en est pas doté. Si cette qualité peut se travailler, se révéler, s’entretenir, elle peut difficilement s’inventer pour qui n’en dispose pas ou n’y est pas apte. C’est une des raisons pour lesquels tout le monde n’a pas vocation à devenir manager.

Et cette logique absurde de promouvoir, de nommer manager à l’ancienneté conduit à l’irresponsabilité de parfois propulser des personnes à une place qui ne devrait pas être la leur. Cette situation non désirée peut engendrer un grand stress, voire de la souffrance, pour les managers concernés comme pour leurs équipes.

La souffrance et le stress sont identiques, et même parfois accrus, pour les équipes qui se retrouvent dirigées par une personne qui s’est battue pour devenir manager, alors qu’elle n’en a ni les qualités ni les compétences.

Une fois encore, la question de l’empathie est clé et elle revient fréquemment. Pourquoi ? Parce que persuadés d’être empathiques, certains managers toxiques confondent écoute, observation et attention avec infantilisation.

Être infantilisant avec ses équipes n’a rien à voir avec le management bienveillant

Considérer ses collaborateurs et collaboratrices comme des copains ou des potes n’a rien à voir avec le management bienveillant.

La première considération doit être humaine, puis professionnelle. C’est la qualité du management, la relation de confiance dans le travail qui permettront, peut-être, d’installer de la complicité, une amitié que vous ne pouvez ni décréter ni imposer.

Imposer à ses équipes une fausse connivence, en les affublant de petits noms, n’a rien à voir avec le management bienveillant.

Attribuer des surnoms familiers, comme on pourrait le faire avec un enfant ou un animal domestique, est à proscrire. Un salarié n’est pas un chien. Autant ne jamais lui donner le signal qu’il pourrait être considéré comme tel.

L’affection, la complicité, l’amitié professionnelle, ça existe. Mais ça ne se décrète pas.

« Ma bichette », « mon doudou » ou « ma pepette » ne sont pas des surnoms qu’on peut donner à ses collaboratrices ou collaborateurs, qui eux, en retour, ne se permettront pas de vous traiter de la sorte. Ne vous permettez pas avec eux ce que vous ne voudriez pas qu’ils se permettent avec vous.

Traiter ses collaborateurs et collaboratrices comme des bambins qu’il faudrait cajoler n’a rien à voir avec le management bienveillant.

Les équipes ont besoin d’être considérées pour leurs compétences, chacun et chacune avec une fonction précise, un rôle attribué et des missions définies au sein d’une organisation claire. Chacun et chacune avec une rémunération juste, un traitement équitable au sein de l’équipe, et la garantie de pouvoir compter sur la parole et les engagements de son manager.

C’est cela que sont en droit d’attendre les personnes au sein d’une équipe. Pas des câlins ou des petites caresses, pour tenter de créer une relation affective factice, qui risque par ailleurs d’être considérée comme un geste inapproprié.

Être infantilisant en jouant avec des méthodes infantiles

Prendre ses collaborateurs et collaboratrices pour des enfants dont il faudrait débloquer la parole n’a rien à voir avec le management bienveillant.

Inutile de commencer une réunion de service en demandant si chacun se sent plutôt fleur de coton ou de cactus, printemps ou automne… Toutes ces analogies puériles relèvent de l’animation de maternelle, pas du management. Ils peuvent susciter un malaise et sont inutilement régressifs et souvent perçus comme dégradants.

J’imagine certains lecteurs halluciner ou rigoler, refusant de croire que de telles pratiques puissent exister. Ne minimisez pas l’impact de tels agissements qui, sous couvert de permettre de partager son état d’esprit de façon imagée plutôt qu’avec des mots, au motif qu’il serait ainsi plus facile de s’exprimer, peuvent humilier, rabaisser, infantiliser les personnes qui les subissent. Les collaborateurs ne sont pas des enfants qui auraient besoin d’un papa ou d’une maman au travail pour leur tenir la main.

Le procédé risquera par ailleurs d’avoir des effets contraires et pervers. Cette obligation de devoir s’exprimer, d’une part, et d’être contraint de le faire devant l’équipe, d’autre part, évitant un face-à-face au manager incapable d’assumer son rôle, pourra entraîner une perte de motivation, créer des résistances, de la distance, premiers pas vers la démission passive, avant une démission bien réelle.

S’immiscer dans la vie privée des collaborateurs et collaboratrices n’a rien à voir avec le management bienveillant.

Faire preuve d’empathie, c’est avoir la capacité de s’intéresser à l’autre, pas de s’immiscer dans sa vie privée ou son intimité, au risque de faire preuve d’une curiosité qui peut être ou paraître malsaine.

Les problèmes de cœur, de santé (entre autres) ne peuvent être évoqués, abordés, qu’à la demande du collaborateur ou de la collaboratrice. En de telles circonstances, il convient de savoir conserver une certaine distance. Accompagner et soutenir une personne de son équipe en difficulté ne veut pas dire surinvestir la relation jusqu’à l’ingérence. Ces fragilités personnelles ne devront surtout pas être utilisées comme porte d’entrée dans la vie privée, pour aborder le collaborateur sur une vulnérabilité, permettant de jouer et d’installer un rapport de domination, augmenté d’un abus de faiblesse de circonstance.

Infantiliser les collaborateurs est une forme de violence aux multiples facettes

Être infantilisant, c’est donc faire le choix d’une posture de domination, d’une intention d’autorité illégitime. Celle de montrer ou laisser croire à l’autre qu’il serait inférieur, lui nier sa capacité de réflexion, d’expression, de création, d’initiative, et donc d’échange et de collaboration, le plaçant dans un rôle d’exécutant ; une humiliation face au reste de l’équipe, qui peut, elle-même, ressentir une violence identique. Pour autant, la violence subie par le collectif ne panse pas les douleurs individuelles. Elle peut créer de la compétition, au moins au début, puis de la solidarité, notamment sur la durée, enfin de la rébellion, de la résistance…

Au-delà, ou en plus du mal fait aux collaborateurs, ils ne sont plus pour l’entreprise des prescripteurs, mais deviennent au contraire des détracteurs, durablement, même après l’avoir quittée.

Maintenir ses équipes dans une condition de servilité, attendre qu’elles agissent dans la soumission, pour ensuite adopter une posture de protecteur, ou chercher à transformer les réunions d’équipe en thérapie de groupe comme s’il s’agissait de gérer des malades… Cela n’a rien à voir avec le management bienveillant.

Peut-être vos équipes sont-elles malades, mais c’est peut-être à vous d’aller consulter !

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Tribune BONUS de l’équipe d’IPRH :

Adoptez le coaching professionnel 

Quoique démocratisé, le coaching professionnel est – aujourd’hui  encore – victmes de nmbreuses idées reçues. Ce qu’il n’est définitivement pas : de la formation, de la thérapie, du conseil. Ce qu’il est avant tout : une méthode d’accompagnement qui permet à un collaborateur ou à une équipe de se développer ou d’atteindre des objectifs en phase avec ceux de l’entreprise. Explications.

Pour se transformer, doper l’innovation, mais aussi retenir leurs talents, et au final être plus performantes, les entreprises développent les dispositifs d’accompagnement de leurs dirigeants, de leurs managers et plus largement de leurs équipes. Soutien pendant une crise, prise de hauteur lors d’un moment charnière, développement de posture, amélioration de la communication, accompagnement à la prise de poste, assise de son leadership, les situations nécessitant un recours à un coach professionnel sont variées et nombreuses. Ainsi, le marché du coaching est en plein développement, avec chaque année une croissance d’environ 10 %. Selon une étude de l’OPIIEC, il existe aujourd’hui 33 000 coachs professionnels formés. Difficile dans un tel contexte de séparer le bon grain de l’ivraie.

La caractéristique tripartite du coaching professionnel

Avant toute chose, quelques informations d’ordre général. Un coaching en entreprise s’échelonne en moyenne sur un an, à raison de 8 à 10 séances toutes les 3 à 4 semaines (parfois moins espacées, lorsque le contexte est particulier : un changement de poste, une crise organisationnelle…). En effet, pour faire émerger de nouveaux comportements vertueux chez les personnes accompagnées, le processus doit s’inscrire dans la durée. Pour ce qui est de la nature des échanges entre un coach professionnel et son coaché, il est important de préciser (encore et toujours) que celle-ci doit rester confidentielle. Autrement dit : le coach, qui a une obligation de moyens vis-à-vis de son client entreprise, est tenu au silence quant aux informations échangées pendant les séances de coaching. En ce qui concerne le processus de coaching, l’improvisation n’y a pas sa place ! Il doit être structuré et débuter, notamment, par une réunion de cadrage tri ou quadripartite entre le coach, le coaché et son N+1 ou son DRH. Elle vise non seulement à poser une vision partagée de la situation du coaché mais aussi à déterminer les objectifs ainsi que les critères d’appréciation de l’atteinte de ces derniers. Le coaching doit enfin s’achever par une réunion de clôture dont l’objectif est de dresser un bilan, avec les mêmes parties prenantes.

Les critères de choix d’un coach professionnel

Avec la démocratisation du coaching depuis une quinzaine d’années, l’arrivée de plateformes digitales proposant du « coaching » volumique et des pratiques à l’évidence très disparates, liées à l’absence de réglementation et tout simplement au fait qu’aucun diplôme ne soit obligatoire pour exercer, les dérives sont légion. À l’heure de choisir un coach professionnel, il y a plusieurs critères sur lesquels il est indispensable d’être particulièrement vigilant. Parmi eux : la qualité de la formation (62 % sont certifiés RNCP), l’ancienneté dans le métier, le nombre d’heures de supervision, le nombre d’heures pratiquées annuellement, la qualité du parcours opérationnel de première partie de carrière dans des contextes à enjeux, par exemple en tant que cadre supérieur ou dirigeant, le respect d’une charte de déontologie…

Car ne l’oublions pas, ici se joue l’évolution, la progression de cadres et de dirigeants… d’hommes et de femmes qu’il faut accompagner de la manière la plus qualitative possible. Pratique, posture, éthique du coach professionnel se doivent donc d’être irréprochables !