| Tribune Janvier 2023

Tribune Janvier 2023

Le manager menteur déçoit toujours… Que ton oui, signifie oui !

Par Patrick Rasandi, Fondateur d’IPRH Consultants, Formateur, coach certifié, membre du Bureau du Syndicat des Métiers du Coaching

Être manager, c’est être une référence, un exemple. Tout ce qu’un manager fait de positif peut être motivant pour ses équipes, et à l’inverse, tout ce qu’il fait de négatif risque de perturber, déstabiliser, inquiéter… Ne pas respecter sa parole constitue donc une réelle erreur de management. C’est une source de démotivation, voire de découragement. Il s’agit d’une attitude qui affecte l’image du dirigeant ou du manager, qui participe à son affaiblissement, à sa perte de crédibilité, quand ce n’est pas sa légitimité qui est remise en question. Cela constitue une raison suffisante pour voir se dégrader le niveau d’engagement des collaborateurs et collaboratrices, leur loyauté envers le manager dont ils finissent par douter, comme de l’entreprise d’ailleurs. Si ne pas respecter sa parole peut prendre plusieurs formes, les conséquences sont toujours négatives.

Même si nombre de relations professionnelles sont régies par des contrats, la parole donnée reste sacrée. Dans l’entreprise, celui ou celle qui ne tient pas ses engagements prend un risque considérable et s’expose à des déconvenues qui lui coûteront en image (interne et externe), en confiance, opérationnellement et financièrement, lui coûtant souvent plus cher que si la parole avait été honorée. Le collaborateur trompé vit cette trahison comme un affront, une blessure. Affaibli ou enragé, son comportement professionnel sera impacté par une colère intérieure qui ne peut qu’affecter ses performances au travail. Mais de quelle parole non tenue parlons-nous ?

Ne pas tenir sa parole, c’est parfois simplement avoir oublié son engagement : parole rapide, parole en l’air, volontairement ou pas, notamment pour tenter d’évacuer une situation à gérer, éviter ou contourner un conflit… C’est en fait une attitude irresponsable de la part d’un manager, qui peut ainsi chercher à gagner du temps pour reporter une échéance, laisser pourrir une situation… comme si une solution miracle pouvait sortir de nulle part.

Mentir, cela peut aussi être avoir donné sa parole à la légère. C’est notamment le cas quand un engagement est pris par une personne qui n’a pas autorité pour le faire. L’engagement ne pourra pas être tenu et le collaborateur aura, à juste titre, le sentiment d’avoir été trompé.

Mentir au travail, une forme de lâcheté

Mentir sciemment, c’est trahir. C’est par exemple promettre l’équité dans l’attribution d’augmentations, de primes, d’actions de l’entreprise… tout en sachant qu’il y aura des préférences, des faveurs inavouables ne répondant à aucun critère objectif et donc ni explicables, ni acceptables. Ce fait du prince volontairement caché est assurément une forme de lâcheté de la part de celui ou celle qui n’assume pas ses agissements. Mentir, c’est aussi instaurer des règles dans l’entreprise, ou imposer des contraintes, qu’on ne s’applique pas soi-même. Par exemple :

–         Ne demandez pas à vos équipes de supprimer tout déplacement pour les remplacer par des visioconférences, si vous continuez de voyager sans modération.

–         Ne demandez pas à vos cadres dirigeants de passer de la classe business à l’économique, si vous continuez de voyager en première, voire en jet privé.

–         Ne demandez pas des économies à tous les étages de votre siège, si vous vous faites aménager un bureau ultra luxueux, ou dérogez à la règle pour privilégier une ou deux personnes.

–         Ne réduisez pas les budgets « notes de frais », si vous explosez le vôtre en vous rendant dans des restaurants étoilés.

–         Ne supprimez pas tous les abonnements taxi, pour finalement en autoriser à quelques-uns, ou si vous disposez vous-même d’une limousine avec chauffeur.

–         Ne décidez pas de règles d’attribution de véhicules de fonction, si c’est pour faire à la tête du client…

Mentir, c’est donc aussi demander aux autres des efforts, quand on n’en fait aucun soi-même, quand la raison qui justifierait les efforts demandés ne s’appliquerait donc pas à certains ou certaines.

Mentir, c’est dégrader les conditions de travail des équipes pour sauvegarder les intérêts de l’entreprise, quand on ne renonce soi-même à aucun de ses avantages, à aucune parcelle de son confort…

Mentir au travail, c’est trahir

Ne pas respecter sa parole, oublier ses promesses, mentir, c’est ne pas respecter le collaborateur ou la collaboratrice auprès de qui un engagement a été pris.

Ne promettez pas une augmentation pour expliquer ensuite que la conjoncture ne permet pas de l’attribuer, surtout si vous bénéficiez vous-même d’une revalorisation, d’une prime ou d’un bonus. Ne promettez pas un modèle de voiture de fonction au moment de recruter un collaborateur, pour lui annoncer après qu’il devra se contenter d’un véhicule plus modeste, ou récupérer celui de son prédécesseur. N’annoncez pas à vos n-1 qu’ils bénéficieront tous d’une prime identique, si c’est pour en adresser des différentes pour des raisons affectives ou en fonction de l’humeur du moment.

Le patron, le dirigeant, le manager est un modèle, un exemple. Sa parole est d’or. Chaque manquement à sa parole, chaque renoncement à l’exemplarité fait perdre un peu de sa crédibilité et sape donc son autorité. Pour le collaborateur, c’est une déception, une trahison, une agression qu’il cherchera (consciemment ou pas) à atténuer, à compenser, allant parfois même jusqu’à se venger.

Cela passera au mieux, ou dans un premier temps, par une forme de résilience, qui n’empêchera pas la perte de motivation, puis le désengagement. Cela pourra aller jusqu’au quiet quittingdémission silencieuse, ou la démission brutale. Ne pas respecter sa parole ou ses engagements est une forme de mépris qui peut coûter beaucoup plus cher à l’entreprise qu’elle ne le croit.

Le mépris n’est pas une valeur sur laquelle il est possible de construire. C’est la marque d’une faiblesse, une lâcheté, une paresse, une surestimation de soi qui a un prix, invisible mais bien réel, et un impact, toujours négatif.