Thème : »La fin du Télétravail n’aura pas lieu. »
Par Manon le Naour, Directrice du développement d’IPRH Consultants, Formatrice en management, communication, vente, ressources humaines, auditrice. Coach certifiée.
En 2024, les deux-tiers des entreprises avaient déjà formalisé un accord de télétravail (Insee, octobre 2023) et un tiers des salariés le pratiquaient régulièrement (Dares, novembre 2024), avec un format dominant de 2 à 3 jours de présence dans les locaux de l’entreprise. L’année passée a cependant été marquée par la remise en cause des accords conclus dans de nombreuses organisations, en particulier aux États-Unis. Un retournement parfois mal vécu en interne. Comment aborder cette question en 2025 ? Dans quelle mesure et à quelles conditions le télétravail reste-t-il positif et souhaitable pour l’organisation et les collaborateurs ?
Saisir les tendances de fond
Le développement du télétravail s’inscrit dans une évolution sociétale, certes amplifiée par le Covid, mais préexistante. Les bouleversements technologiques ont depuis plus de 15 ans démultiplié les moyens et les espaces de communication, tout en brouillant les frontières entre vie personnelle et vie professionnelle. Les jeunes générations entrent sur le marché de l’emploi avec un autre rapport à l’entreprise, aux modalités d’organisation du travail et une approche très différente de la notion d’engagement. On peut s’épuiser à lutter contre des tendances de fond aussi profondes, il est préférable néanmoins de les identifier, de les comprendre et de les intégrer dans sa stratégie RH.
Il faut donc commencer par se garder de toute position péremptoire et définitive. Le télétravail n’est pas une mode passagère. Il n’y aura pas de retour au 100 % présentiel, comme il n’y a pas eu de « fin du bureau » absolue. En prendre conscience est indispensable en matière de recrutement : le télétravail est aujourd’hui un critère de choix pour les jeunes candidats et donc un élément d’attractivité pour l’entreprise. Fin 2023, parmi les « travailleurs du savoir », seulement 10 % des moins de 35 ans souhaitaient travailler 5 jours par semaine au bureau, contre 25 % des plus de 50 ans (étude Slack/OpinionWay).
La vraie problématique : l’engagement
En soi, le télétravail n’est ni un bien ni un mal. Il est une modalité d’organisation pour permettre à l’entreprise de relever son principal défi RH : l’engagement de ses collaborateurs, à tous les niveaux.
Or, l’engagement repose notamment sur la confiance, question au cœur de la problématique du télétravail ! Dès lors, revenir sur le télétravail peut être perçu par le collaborateur comme une remise en cause de son autonomie et de la gestion flexible de son temps. Le retour au bureau « forcé » comporte un risque de détérioration de la marque employeur : baisse de la motivation et sentiment de régression, perte de talents au profit d’entreprises plus flexibles…
Comment, alors, nourrir la confiance ? Par une communication ouverte et efficiente. De ce point de vue, le télétravail se révèle néanmoins ambivalent. D’un côté, il réduit les occasions d’échanges informels, peut nuire à la qualité des interactions, mais aussi générer de l’isolement. Mais de l’autre, il oblige à systématiser les points réguliers, favorise des réunions mieux cadrées, s’accompagne souvent d’une disponibilité accrue, tout cela au service d’une meilleure productivité.
L’entreprise « hybride »
Le modèle hybride va sans doute s’imposer, flexible dans l’organisation (mêlant présentiel et distanciel) et dans la durée (capable de s’adapter aux contraintes ou aux prochaines évolutions).
Dans un contexte de transformations plurielles et profondes, mais aussi de coexistence de générations aux approches différentes, voire divergentes, priorité doit donc être donnée à l’agilité dans la conception et la mise en œuvre de la stratégie RH de l’entreprise et dans les pratiques managériales.
Reste que le télétravail pose de multiples questions, comme l’adaptation des outils, la fréquence et surtout la qualité des relations, la dynamique d’équipe. Mais, au-delà, il interroge notre rapport à l’entreprise. Celle-ci reste un corps social, un collectif qu’il faut initier, entretenir et faire grandir. La façon dont on met en œuvre tel ou tel mode d’organisation, sans angélisme ni pessimisme, doit être guidée par cet objectif : s’assurer que chacun trouve sa place, se sente inclus et connecté à ses collègues, et dès lors remplisse sa mission en entreprise.
2025 ne marquera pas la fin du télétravail, mais plutôt la poursuite du développement de nouvelles approches, de nouvelles organisations et la nécessaire réinvention des modes de management. Avec, par exemple, l’adoption de nouveaux rythmes et formats de communication, plus ouverts et fréquents, qui pour la moitié des équipes qui fonctionnent en mode hybride, permettent d’entretenir l’engagement (Rapport mondial sur le travail hybride – The Insights Group Ltd, 2023).
Pour les RH, l’enjeu est donc d’être en mesure d’adopter la bonne approche, sachant qu’elle est propre à chaque entreprise, et d’accompagner de manière appropriée les différents publics concernés dans l’entreprise, au premier rang desquels les managers, dont le rôle est plus que jamais clé. Alors, plutôt que de se concentrer uniquement sur le lieu depuis lequel les collaborateurs doivent travailler, réfléchissons avant tout à la manière dont ils travaillent et interagissent, pour créer un cadre qui favorise à la fois la collaboration, l’engagement et la performance.
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Article BONUS / Conseil coaching rédigé par l’équipe d’IPRH Consultants !
Thème : Génération Z au travail : le grand malentedu ?
75 % des employés de première ligne issus de la « Génération Z » se sentent épuisés. Ce chiffre, issu de l’étude UKG « Perspectives from the Frontline Workforce » (2025), met en lumière un malaise profond et questionne notre mode de fonctionnement.
Pour les jeunes nés entre 1997 et 2007 qui occupent des postes en contact direct avec les clients ou au cœur des opérations (tels que les caissiers ou les agents de production), la confrontation avec la réalité du terrain (horaires contraignants, pression du résultat) peut générer un désenchantement brutal et des situations de burn-out.
Ce potentiel désengagement et ces cas d’épuisement professionnel soulignent l’urgence pour les entreprises de s’adapter aux nouvelles réalités du monde du travail.
Un besoin de sécurité psychologique et de flexibilité
Un paradoxe saisissant ressort de l’étude d’UKG : malgré le burn-out de nombreux jeunes en première ligne, 81 % d’entre eux se disent psychologiquement en sécurité au travail. Ils osent s’exprimer, proposer des idées, assumer leurs erreurs.
Mais cette liberté d’expression ne masque-t-elle pas un malentendu plus profond ? À quoi bon s’exprimer si personne n’écoute, si les propositions se perdent dans le vide ? Les résultats de l’étude mettent en évidence une contradiction entre un sentiment de sécurité et un besoin criant de changement.
Le fossé générationnel et les nouvelles attentes
Le fossé générationnel se creuse, avec parfois jusqu’à quatre générations coexistant au sein d’une même entreprise. Chacune porte un regard différent sur le travail, ce qui peut engendrer des tensions et des incompréhensions, en particulier sur le sujet de l’organisation du temps de travail.
On observe une tendance plus marquée chez les générations précédentes à privilégier des horaires fixes et structurés, tandis que les jeunes générations expriment une forte demande de flexibilité et d’aménagement du temps de travail. Cette divergence souligne qu’il est important que les entreprises trouvent un terrain d’entente. Elle s’explique en partie par une évolution sociétale profonde.
La Génération Z, hyperconnectée dès le plus jeune âge, aspire à un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, et valorise la flexibilité et l’autonomie. Pour les managers, souvent issus de générations précédentes, ce besoin de flexibilité peut être perçu comme un manque de résilience, un refus de l’effort. Or, cette attitude, loin d’être une solution, aggrave le malaise et le sentiment d’incompréhension, comme le démontrent les conclusions de l’étude.
L’impact de la rigidité sur l’épuisement et la fidélisation
L’enquête révèle d’ailleurs un point crucial : la rigidité observée explique en partie pourquoi les jeunes de cette génération se sentent plus épuisés que leurs homologues (83 % contre 75 % pour l’ensemble des collaborateurs de première ligne), et plus d’un tiers d’entre eux (36 %) envisageraient de quitter leur poste en raison des effets négatifs sur leur bien-être physique et mental.
En outre, plus de la moitié (58 %) des jeunes en première ligne privilégieraient des vacances supplémentaires à une augmentation de salaire, et un tiers sacrifierait une promotion pour une semaine de congé en plus. Le travail n’est plus le centre de gravité unique de leur vie, mais une composante parmi d’autres, au même titre que les loisirs, les relations sociales et le développement personnel.
Attention, contrairement à une idée reçue tenace, cela ne signifie absolument pas un désintérêt pour le travail. Bien au contraire : interrogés directement dans le cadre de cette recherche, les jeunes de la Génération Z affirment accorder à leur emploi une importance au moins égale, voire supérieure, à celle que lui accordent leurs aînés. Ils recherchent simplement un meilleur équilibre, un travail qui ait du sens et qui respecte leur besoin d’épanouissement global. Ils veulent contribuer, apprendre et progresser, mais dans un cadre qui respecte leur besoin d’équilibre.
Transformer le malentendu en opportunité
Alors, comment transformer ce malentendu en opportunité ? Une transformation des mentalités est nécessaire. Cette transformation passe par plusieurs axes tels que la formation des managers au management intergénérationnel, la promotion du dialogue et de l’écoute active, l’adaptation des modes d’évaluation et de reconnaissance et l’évolution vers une culture d’entreprise axée sur la confiance et l’autonomie.
La technologie peut également être un levier pour répondre à ce besoin de flexibilité, avec notamment des applications de gestion des plannings plus souples et des plateformes de communication interne plus fluides. Écouter, comprendre et adapter l’organisation du travail aux aspirations de la Génération Z est le véritable défi pour les entreprises qui souhaitent attirer et fidéliser les talents de demain. Reconnaître leurs compétences, valoriser leur contribution et leur offrir des perspectives d’évolution alignées avec leurs valeurs – voilà les clés pour gagner le « grand jeu » du travail avec la Génération Z, un jeu qui se joue désormais sur le terrain du bien-être et du respect mutuel, autant que sur celui de la performance.