« Le parallélisme entre le jazz et le leadership managérial » (Episode 2)
Par Patrick Rasandi, Fondateur et dirigeant d’IPRH Consultants, Formateur, coach senior certifié, Membre du Bureau du Syndicat des Métiers du Coaching.
Cette tribune est la seconde d’une série consacrée au parallèle entre le jazz et le leadership. L’écoute est une compétence clef pour n’importe quel musicien, me direz-vous. En jazz, elle prend une dimension particulière qui rend le parallèle avec le management particulièrement puissant. Comme tous ses confrères d’autres musiques, le musicien de jazz s’écoute lui-même pendant qu’il joue, pour s’assurer de sa justesse, de son volume sonore (ni trop fort ni trop faible), de son tempo (ni en avance ni en retard). De même, il écoute ce que jouent les autres pour ne pas se décaler, s’adapter à leurs nuances, à leurs inflexions.
Écouter pour s’adapter
La différence se fait sur la façon dont il écoute les autres et son public. Selon le niveau de fatigue ou l’humeur, les musiciens de jazz décideront de faire évoluer le programme du concert. Le leader du moment tiendra compte des émotions et de la forme de ses collègues dans le choix et l’enchaînement des morceaux.
Les musiciens de jazz doivent également en permanence écouter les réactions de leurs auditeurs afin d’adapter leur performance en conséquence. Par exemple en fin de soirée, si le niveau d’énergie du public décroît, ils pourront décider de raccourcir un morceau lent et d’enchaîner sur un morceau plus dynamique. Si le public donne des signes d’impatience, ils pourront écourter la série et avancer l’entracte. Si, au contraire, le public est enthousiaste, ils pourront choisir de poursuivre leur prestation au-delà du morceau réclamé « en bis ». Cette sensibilité aux réactions du public et la capacité à ajuster la performance en temps réel constituent des aspects clés de l’adaptabilité dans le jazz.
Cette écoute active à 360° peut inspirer les managers en ce qu’elle fait appel – évidemment – à l’oreille mais également à la capacité de saisir le langage non verbal et à l’intelligence émotionnelle. Un bon manager va pratiquer l’écoute active pour comprendre les besoins et les préoccupations de son équipe, favorisant ainsi une communication ouverte et une collaboration efficace. De même, il va mettre cette écoute au service de son public (le marché, les clients internes ou externes) en recueillant des feedbacks et étant attentif aux signaux faibles pour favoriser l’adaptation des produits et services en temps réel.
Le jazz illustration du « servant leadership » ?
Dans un petit orchestre de jazz, chaque musicien est tour à tour leader lorsqu’il prend un solo, ou accompagnateur lorsqu’il soutient ses collègues. Le jazz propose donc un modèle alternatif à la dichotomie classique leader versus follower. Il se rapproche de ce fait du concept de « servant leadership », si difficile à traduire en français, dans lequel le rôle du manager consiste à servir ses équipes, les rendre autonome et favoriser leur développement en leur fournissant les ressources et le soutien nécessaire pour réussir. Ce partage conscient, accepté et revendiqué des rôles serait expliqué notamment par l’origine de cette musique. Les esclaves noirs privés de droits civiques dans le sud des États-Unis n’auraient eu de cesse de vouloir s’exprimer autant que possible au sein des orchestres, transgressant les rôles traditionnellement établis du chef et de ses subordonnés.
Ce modèle alternatif représente une condition clef de succès d’un orchestre de jazz et fournit, ici également, un parallèle pertinent avec le management. Le servant leadership privilégie l’épanouissement des salariés et des équipes, lequel se traduit par la croissance des résultats et, en conséquence, celle des bénéfices. En prenant en compte les attentes et comportements de ses collaborateurs, en leur procurant de l’autonomie et des ressources, le manager renforce leur engagement et leur envie de contribuer au projet collectif.
S’ouvrir à des sources variées pour se renouveler
Le jazz est né de la fusion de diverses traditions musicales, notamment les chants de travail africains et la musique européenne. Cette origine multiculturelle a posé les bases d’une musique fondamentalement inclusive dans laquelle chaque influence est valorisée et intégrée.
Le musicien de jazz est en permanence à l’affût de nouvelles idées, de découvertes musicales qu’il va décider d’exploiter ou non par rapport à son propre projet. Par exemple, la musique classique constitue une source d’inspiration notable : le prélude op.28 n 4 en mi-mineur de Chopin a donné Charlie’s Prelude, le second mouvement de la symphonie du nouveau monde de Dvorak est devenu A Song Is Born, Ellington s’est laissé séduire par Peer Gynt de Grieg… Au début des années soixante, le saxophoniste Stan Getz a révolutionné l’univers musical du jazz avec son album jazz samba, métissage du jazz et de la musique brésilienne. Actuellement, on retrouve dans le jazz des influences de toutes les musiques du monde.
Cette veille, cette porosité à d’autres styles de musique et cette observation de ce que jouent les autres aident les musiciens de jazz à se renouveler. Cette ouverture à l’expérimentation et à l’adaptation des styles et des techniques est essentielle pour maintenir la fraîcheur et l’originalité de la musique. De même, le manager, en organisant une veille active des meilleures pratiques et en se nourrissant de benchmarks, stimule et renforce la créativité et l’innovation.
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Article BONUS / Conseil coaching rédigé par l’équipe d’IPRH Consultants !
Thème : « La rupture conventionnelle : cette erreur qui peut vous faire perdre gros. »
Depuis sa création en 2008, le succès de la rupture conventionnelle ne fléchit pas. Au 2e trimestre 2024, selon les derniers chiffres de la Dares, 126 600 ruptures conventionnelles ont été signées en France métropolitaine. Une baisse vis-à-vis du trimestre précédent (-3,7%) qui n’entache pas sa constante progression.
Encadrée par le Code du travail, cette procédure est réservée aux salariés en CDI, et « ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties » (article L. 1237-11). Si la rupture conventionnelle est plébiscitée pour sa simplicité, elle n’en induit pas moins une négociation sur les conditions de départ du salarié. Un exercice qui peut s’avérer délicat si l’on n’y est pas préparé.
Quels éléments puis-je négocier ?
Vous avez respecté les étapes d’une demande de rupture conventionnelle. Après plusieurs discussions informelles, votre manager direct est informé, votre lettre de rupture lui est parvenue et il est temps de préparer votre entretien préalable avec la personne décisionnaire. Plusieurs points d’accord sont aménageables :
L’indemnité conventionnelle
Dans le cadre d’une rupture conventionnelle, le salarié bénéficie d’une indemnité dite spécifique dont le montant ne peut être inférieur à celui de l’indemnité légale de licenciement. Ce dernier correspond à un quart de mois de salaire par année d’ancienneté, et un tiers de mois de salaire au-delà de la dixième année. Pour le connaître, vous pouvez vous rendre sur le simulateur de calcul de l’indemnité de rupture conventionnelle du ministère du Travail, TéléRC.
A savoir
L’indemnité est exonérée d’impôt sur le revenu, seulement si elle correspond à l’indemnité légale ou conventionnelle. Le dépassement de certains seuils, sous certaines conditions, peut ainsi mener à son imposition.
La date de départ
Afin d’organiser la succession au poste du salarié qui signe la rupture, la date de départ doit être fixée avec l’accord des deux parties et peut, par conséquent, être négociée. Cette dernière ne peut intervenir « avant le lendemain du jour de l’homologation » (article L1237-13 du Code du travail).
La clause de non-concurrence
Un salarié soumis à une clause de non-concurrence ne doit pas être dans l’impossibilité absolue « d’exercer de façon normale une activité conforme à ses connaissances ou à sa formation. » Aussi, il est possible de négocier, dans la convention de rupture, la levée ou non de cette clause. L’employeur peut alors y renoncer à la date fixée par la convention, sauf stipulations contraire car, comme le précise la loi : « le salarié ne peut être laissé dans l’incertitude quant à l’étendue de sa liberté de travailler. »
Négocier oui, mais pas trop
Le salarié possède une certaine marge de manœuvre s’agissant des conditions de sa rupture conventionnelle. Pourtant, il est de bon ton d’agir avec finesse afin de ne pas braquer votre employeur. Ce dernier n’a aucune obligation d’accepter vos conditions (et inversement). Surtout en ce qui concerne l’indemnité qui en découle. Le risque ? Voir votre demande de rupture refusée.
A vrai dire, votre entreprise pourrait s’avérer réticente à vous verser une indemnité supra-légale en raison des coûts qu’elle engendre. En effet, depuis le 1er septembre 2023, une taxe forfaitaire de 30%, à destination de la Cnav (Caisse nationale d’assurance vieillesse), est appliquée par l’Etat sur chaque accord amiable signé.
Aussi, avant cette date, les sommes perçues étaient soumises à cotisation sociale dans le cas d’un salarié ayant atteint l’âge légal ou supérieur de départ à la retraite. Désormais, un employeur n’a plus aucun avantage à privilégier une rupture conventionnelle face à une mise en retraite de ses salariés.