| Tribune Mai 2023

Tribune Mai 2023

Etre assertif, c’est APPRENDRE à dire NON… Oui, mais non !!!

Par Patrick Rasandi, Fondateur d’IPRH Consultants, Formateur, coach certifié, membre du Bureau du Syndicat des Métiers du Coaching

Il y a des choses très simples qui nous empêchent d’être heureux comme le fait de ne pas oser dire non. Dans certaines situations, notre tête pense non pourtant nous n’arrivons pas à poser des limites, nous nous sentons dans l’obligation de dire oui. Nous pensons, à tort, qu’en disant oui, on évite les complications, les explications, les débats, les jugements mais c’est parfois à nous que nous manquons de respect et c’est même notre santé psychique que nous mettons en péril.

Bien communiquer n’est pas si simple, on oscille entre des NON formulés de façon inappropriée voire explosive et des OUI que nous regrettons car nous n’avons pas su manifester notre désapprobation. Comment faire du NON un allié et développer une communication assertive ?

Pourquoi est-il difficile de dire NON ?

La bonne éducation sous-entend depuis toujours de répondre « Oui madame ». Ce qui nous amène des années plus tard à dire « Oui je m’en occupe / d’accord je vais le faire / Ok je m’en charge etc. » Nous sommes soumis à des « Il faut… », « Je dois … », « C’est comme ça … », « Je n’ai pas le choix … » « Qu’est-ce que l’autre va se dire si ». Ces pensées nous enferment et nous empêchent d’avoir une relation sincère et authentique avec nous-même et avec les autres.

Que l’on veuille être apprécié, obtenir une augmentation de salaire, éviter le conflit, signer une collaboration avec un nouveau client ou tout simplement être en bon terme avec autrui, nous devons apprendre à poser nos limites et manifester notre refus ou notre désaccord lorsque la situation l’impose.

Qu’on se le dise, dire NON ne fait pas de nous une mauvaise personne.

Quels sont les freins qui nous empêchent de dire NON ?

Le principal frein est la PEUR.

  • Peur du regard des autres
  • Peur du jugement
  • Peur de déplaire ou envie de plaire
  • Peur de décevoir ou volonté de ne pas décevoir

Nous devons en finir avec la pensée binaire, on n’est pas sympa/ pas sympa, engagé/ désengagé, on peut être à la fois sympa et dire non. Au même titre qu’on peut :

  • être généreux et ne pas s’oublier,
  • être apprécié et ne pas plaire à tout le monde.

On ne devrait pas avoir peur d’être qui on est.

Dire NON à quelqu’un c’est se dire oui à soi, à ses besoins et à ses priorités.

Dernièrement, un manager me faisait part de sa difficulté à poser des limites à ses collaborateurs qui ont pris l’habitude de la solliciter en permanence sur des sujets sociaux, personnels ou de planning, si bien que sa journée de travail débute à 15h, en étant arrivée à 8h le matin !

« Aujourd’hui, difficile de dire non, d’autant plus que la conjoncture de recrutement est compliquée ». Pourtant, en se montrant toujours disponible, en ne voulant froisser personne, c’est sa propre santé mentale qu’elle met en danger et son équilibre de vie (work-life balance). A force de refouler, on EXPLOSE ou on IMPLOSE. En taisant quelque chose qui nous pèse et en accumulant de la frustration cela peut finir par se manifester dans un autre domaine comme notre corps ou dans nos rapports personnels. Irritabilité envers son.sa conjoint.e, manque de patience envers ses enfants, c’est ce qu’on appelle un dommage collatéral. Pourquoi « dommage », parce que « dommage, cela nuit là où ça ne devrait pas. »

En quoi dire NON nous est profitable ?

Dans mon livre, J’peux pas j’ai rendez-vous avec moi, j’ai volontairement sous-titré Honorer la vie en s’honorant soi, à travers des exemples de la vie personnelle et/ou professionnelle j’essaie d’illustrer à quel point il est facile de s’oublier alors que,

  • Dire non c’est poser des limites,
  • Dire non est une manière d’honorer nos besoins, nos valeurs, nos émotions,
  • Dire non c’est se respecter et respecter l’autre,
  • Dire non c’est développer une communication assertive. L’assertivité pourrait se résumer à la formule : ni agressif, ni passif. Je pose mes limites dans le respect d’autrui.

Mettre ses limites ne signifie pas rejeter l’autre, le mépriser, encore moins l’ignorer, vouloir l’enquiquiner.

« J’ai dit à mon mari que j’avais une réunion parce que j’avais juste envie de me faire un petit ciné en sortant du bureau » 

Y-a-t-il besoin de mentir pour se respecter ?

« J’ai accepté ce fichu dossier, alors que j’en ai déjà largement assez, parce que je ne veux pas compliqué davantage notre relation » 

Depuis quand pense-t-on assainir une relation tendue en acceptant une situation qui nous dérange ?

« J’ai dit oui parce que c’est pas la peine de débattre, je ne changerais pas les choses ». 

Pensez-vous qu’on achète la paix ?

« Je suis trop gentil.lle je ne sais pas dire non, parfois les autres abusent de ma bonté. »

 Pour ne pas décevoir, sommes-nous prêt à nous laisser ensevelir ?

Dire oui alors qu’on pense non ce n’est pas ça se respecter, ce n’est pas ça s’honorer.

 On a le droit de dire oui, on a le droit de dire non, on a le droit de dire stop pourvu qu’il y ait du sens et non des excuses. « J’peux pas assister à la réunion de 18h, j’attends l’appel d’un client d’un moment à l’autre. » Non ! « J’peux pas car je dois rentrer, mes enfants m’attendent/ J’ai prévu une surprise pour mon mari ce soir. » 😊 Inutile parfois de s’inventer des excuses. Plus nous pratiquerons, même à petite échelle, l’affirmation d’un non, moins cela sera dérangeant dans la société. Chacun pourrait au contraire s’en inspirer : « C’est bien, il. elle a raison de poser ses limites, je n’aurais pas osé mais sa façon de le dire est juste. »

En quoi des collaborateurs qui osent dire NON est profitable à l’entreprise ?

  • Insuffler le changement

C’est sûr qu’un NON est surprenant, un NON dérange. Là où certains acceptent docilement, d’autres osent s’affirmer et peuvent être taxés de « rebelle ». « Quelle impertinence. » ai-je déjà entendu. Mais je crois qu’il est bon de s’entourer de « contestataires », car ce sont eux qui interrogent, qui interpellent, qui bousculent les choses établies, insufflent le changement et bougent les mentalités. Peut-être que nous ne sommes pas habitués à dire les choses, on a toujours le sentiment qu’il faut s’excuser de dire la vérité. Pourtant, on peut être franc et bienveillant.

  • Implémenter l’intelligence émotionnelle

Si on dit à quelqu’un « ce n’est rien » ou « ce n’est pas grave » alors qu’en réalité cela nous fait quelque chose, c’est comme mettre notre émotion en apnée. Les émotions doivent être libres de circuler.
L’entreprise a besoin de personnes vivantes, authentiques, qui savent dire les choses avec respect et authenticité. Les non-dits et la mauvaise communication causent des dégâts, des tensions, de l’agressivité, affectent la motivation au travail et inévitablement l’engagement.

  • Prévenir des risques psycho-sociaux

A l’ère où la charge mentale et le burn-out pèsent dans l’environnement de travail, le risque des collaborateurs/ managers qui ne savent pas dire non est l’EFFET COCOTTE-MINUTE, en apparence ils évitent les explications, les tensions, les débats mais au péril de leur santé.

L’enjeu pour l’entreprise, consiste à former à la communication assertive, que ce soit pour gérer les situations clients complexes ou les relations internes. Le MIEUX VIVRE ENSEMBLE, en entreprise comme ailleurs, c’est se dire les choses mais soigner la manière dont on les dit.

En quoi dire NON peut-être une source de bonheur ?

  • Etre pleinement soi

Dire non c’est s’autoriser à être pleinement soi dans ses valeurs et ses principes. Il y a une certaine morale qui nous anime, une forme d’alignement pour laquelle nous pouvons ressentir de la fierté, de l’authenticité et pourquoi pas de la liberté.

A l’instant où on dit non, on est soi, on s’autorise, ce qui signifie également que nous sommes capable de donner plus de valeur aux OUI qui deviennent alors de grands oui !

N’oublions pas qu’un non à l’autre est un oui pour soi. Une certaine victoire à oser s’affirmer tout en restant respectueux. L’autre est alors libre d’accueillir notre NON comme il le souhaite, mais bien souvent un NON formulé avec tact renvoie l’interlocuteur à sa propre responsabilité.

  • Développer l’estime de soi

Dans ma carrière j’ai parfois été confronté à des situations que je n’acceptais pas, intérieurement je ne les acceptais pas mais je n’arrivais pas toujours à le formuler, si bien que je quittais le bureau de mon patron avec un sentiment de déception et un manque de motivation évidente, jusqu’au jour où je l’ai fait. Pour la première fois de ma carrière, j’ai été capable de dire « non car je tiens à mes valeurs et elles s’appliquent autant à ma vie professionnelle que personnelle. Il n’y a pas le MOI au travail et le MOI en dehors du travail, nous formons la même personne. » Ce jour-là, j’ai quitté le bureau de mon patron heureuse et fière de mon audace à poser les limites de mon engagement.

Poser ses limites ce n’est pas de l’égoïsme. C’est de l’estime de soi.

L’affirmation de soi développe l’estime de soi. Notre capacité à poser nos limites est proportionnelle à l’estime que nous avons pour nous-mêmes.

Fierté, considération, estime de soi, autant d’émotions positives qui cultivent notre bien-être, à l’inverse si chaque jour je cumule frustration, agacement, non-dits, inutile de dire que ce n’est pas bon pour installer un bien-être durable.

Quelle est la face cachée de ce NON ?

Pour éviter la positivité édulcorée, soyons sincères, vous ne vous ferez pas uniquement des amis, vous n’inspirerez pas uniquement le respect en osant dire NON car poser des limites n’est pas habituel. On préfère parfois le silence ou l’acquiescement pour ne pas se faire mal voir, ne pas décevoir, ne pas froisser, ne pas causer de problèmes.

Je crois que tout le monde dit apprécier la sincérité, jusqu’au jour où on rencontre des personnes qui la pratiquent vraiment et cela peut devenir dérangeant. Martin Luther King disait d’ailleurs à ce sujet,

« Pour se faire des ennemis, pas la peine de déclarer la guerre, il suffit juste de dire ce que l’on pense ».

Dire non c’est donc accepter que cela ne plaira pas à tout le monde.

Dernièrement, j’ai posé mes limites au directeur d’une école, ex chef d’entreprise, j’ai eu beau m’affirmer de manière respectueuse et argumentée, ce « client » est devenu détestable, ce qui a conduit à la fin d’une collaboration. Pourtant, lorsque je me regarde dans le miroir, je suis fière que cette collaboration ait pris fin. Steve Jobs disait : « Ce que vous décidez de ne pas faire est tout aussi important que ce que vous décidez de faire. » 

Je crois qu’il y a dans ce petit mot de 3 lettres bien plus de choses qu’on ne le pense. Un non fait appel à notre morale. Cette morale est subjective mais c’est souvent lorsque nous manifestons notre désaccord que nos valeurs sont réveillées.

Comment dire NON avec tact ?

Je vous propose une méthode simple et efficace (qui nécessite de s’entrainer quotidiennement car on n’a pas dit que c’était facile non plus !)

  1. Ecouter la demande de l’autre jusqu’au bout, ne lui couper pas la parole
  2. Affirmer un NON argumenté et expliquez la raison de ce non
  3. Orienter vers un NON constructif et apportez une solution 
  4. Conclure en vous assurant que le lien n’est pas rompu « Est-ce que cela te convient ? »

Vous l’aurez compris, il ne s’agit pas de refuser en bloc et encore moins de dire NON systématiquement, catégoriquement ou sèchement de manière abrupte mais de doser, de nuancer et faire la différence entre le compromis nécessaire, le OUI parce qu’on a envie de faire plaisir et le NON constructif, argumenté, respectueux de soi et de l’autre. Ce NON conduit à une communication solutionnelle invitant en fin d’échange à trouver une solution plutôt que de rester sur un non catégorique.

Pour conclure, je vous invite à éviter les non-dits car rien n’est pire qu’un volcan éteint qui un jour se réveille. Apprenons à quitter les relations en surface pour plus d’authenticité et de coopération constructive.