« Être le clown de la boîte, ça peut être marrant… ou pas ».
Par Patrick Rasandi, Fondateur et dirigeant d’IPRH Consultants, Formateur, coach certifié, Membre du Bureau du Syndicat des Métiers du Coaching.
En entreprise, le clown est la personne drôle et sage qui peut désamorcer les tensions. L’humour est une compétence essentielle dans la dynamique des équipes.
Dans chaque groupe, dans chaque organisation, une personne se démarque toujours en tenant le rôle du « clown ». Selon une recherche récente de Northwestern University en collaboration avec la Nasa1 sur la dynamique des équipes, la fonction de clown n’est pas si péjorative que l’on peut le penser. En effet, d’après un article de The Economist [How to prevent conflict on the way to Mars, 18 décembre 2021] relatant cette étude, la tâche la plus importante à accomplir dans un groupe confiné est celle du « clown » ; une personne drôle, mais aussi assez sage pour comprendre chaque membre d’un groupe et désamorcer les tensions.
Et c’est en cela que l’humour apparaît comme la compétence dont vous avez vraiment besoin dans l’espace comme sur Terre afin de construire des équipes solides. Le rire serait même essentiel, car il pourrait soutenir les astronautes dans leur longue quête vers Mars. Mais attention, les professeurs de Northwestern University précisent que vous devez avoir le bon type d’humour.
En effet, lorsqu’il s’agit de travail de groupe, il faut plutôt éviter l’humour négatif (celui qui critique et rabaisse les autres) et privilégier un humour positif. Ce dernier va participer à la création d’un sentiment d’appartenance et de bien-être, qui permettra aux membres du groupe de créer du lien et fera en sorte que tous les membres se sentent inclus.
Désamorçage des conflits
Bien sûr, nous ne sommes pas tous en mission vers Mars. Cependant, les organisations ont autant besoin d’un nouveau genre de managers que la Nasa a besoin d’un nouveau genre d’astronautes. Je trouve que le terme de clown est mal choisi, il a une connotation négative car on le rattache souvent à l’image du bouffon, celui qui amuse la galerie, souvent à ses dépens. Peu d’entre nous ont la volonté ou la capacité de tenir ce rôle et, dans le cadre de l’entreprise, s’imposer comme le clown de service n’est pas nécessairement une bonne stratégie pour faire avancer son plan de carrière.
S’approprier ce rôle de clown serait réduire l’humour à la simple blague et à une utilisation anarchique de l’humour, qui n’aurait d’impact positif sur la carrière d’un individu ou son groupe que par un effet de chance ou une maîtrise innée de l’humour. Même si c’est possible, dans le cadre organisationnel, une utilisation stratégique de l’humour permettrait d’atteindre les mêmes objectifs : écoute, compréhension, mise en confiance et désamorçage des conflits, sans pour autant acquérir une réputation de « clown ».
Ce n’est pas tant ce rôle de « clown » que vous devez tenir que celui de la personne capable d’amener un peu de légèreté. Récemment, je me suis entretenu avec un pompier de carrière, Guillaume. Il m’a contacté, car il souhaitait partager avec moi à quel point l’humour tient une place importante dans son travail. D’abord, comme un outil de résilience, puis comme un élément essentiel de son leadership.
L’humour dans un environnement anxiogène
Depuis plus de vingt-cinq ans, Guillaume côtoie la tragédie et le drame au quotidien. Lorsqu’on est confronté à autant de stress, l’humour devient salutaire, un processus de résilience qui permet d’accepter l’inacceptable et même, d’en rire. En effet, dans ce type de contexte, l’humour permettrait de parler d’expériences effrayantes, sensibles, embarrassantes ou encore taboues tout en réduisant leur impact psychologique potentiel. Bref, l’humour crée un sentiment de cohésion et de soutien qui aide à faire face et à réduire le sentiment d’isolement.
Au-delà de son utilisation personnelle de l’humour, il a fait de l’humour un élément clé de son leadership. « Chaque jour, avec les membres de la brigade, nous côtoyons la mort et chaque fois que l’alarme sonne, nous sommes conscients que l’un d’entre nous pourrait ne pas rentrer. Je ne veux pas que les dernières heures que nous passons ensemble se passent dans un climat de peur. Si cela doit être nos derniers instants sur Terre, qu’ils soient pleins de rires. »
Guillaume fait partie de ces champions de l’humour qui connaissent intuitivement son pouvoir de cohésion, de résilience et son impact positif sur le capital confiance et sympathie d’un leader. Ce pompier mène ses hommes comme sa vie, avec humour. Selon lui, c’est un outil essentiel pour maintenir le moral de sa brigade dans un environnement hautement anxiogène.
Cependant, si ce pompier expérimenté a pu vérifier maintes fois l’effet bénéfique de son sens de l’humour sur ses collaborateurs, sa hiérarchie ne partage pas son enthousiasme. Vivre sa vie selon les principes de l’humour peut s’avérer difficile et Guillaume est aujourd’hui confronté au plus grand dilemme de sa vie. À la veille de la publication de son premier livre, recueil d’anecdotes comiques sur sa vie de pompier, il doit faire face à la désapprobation de sa hiérarchie et défendre ses convictions au tribunal, au risque de perdre un travail qu’il adore.
Créer un sentiment de solidarité
Que défend-il ? Son droit à l’humour, son droit de partager avec le public les moments les plus drôles du métier de pompier. Car il est salutaire de pouvoir encore rire, lorsqu’on est confronté quotidiennement à la détresse humaine. Mais ces moments de rires partagés, d’incongruités de la vie, son management ne souhaite pas les révéler au grand public. Pour ses pairs, le corps des sapeurs-pompiers risque de perdre sa crédibilité. Alors qu’au contraire, il serait bien utile de partager avec tous à quel point l’humour peut être un outil puissant pour faire face aux expériences stressantes et à la peur. Parce qu’un peu d’humour peut faire beaucoup pour améliorer la santé mentale et physique de chacun.
D’ailleurs, de nombreux psychologues et humoristes s’accordent à dire que le rire est le meilleur des remèdes. L’une de ses principales fonctions est la création d’un sentiment d’appartenance et de solidarité. Et face aux crises successives que nous devons tous affronter, c’est peut-être ce dont nous avons le plus besoin.
Bien sûr, nous ne combattrons pas une crise à coups de blagues, mais contrairement à ce que pense la hiérarchie de Guillaume, utiliser l’humour ne signifie pas nier la gravité d’une situation. Le rire nous unit contre un ennemi commun et, comme disait le physicien danois Niels Bohr, « il y a des choses si sérieuses qu’il faut en rire ». C’est ce rôle de leader avec humour, et non celui de « clown », que nous devrions tous endosser, chacun à notre tour, au sein de nos organisations, de nos associations, au sein de notre équipe.
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ARTICLE BONUS « Coaching » DE L’EQUIPE IPRH Consultants
« Charge ou surcharge mentale » ?
« La charge mentale correspond à notre préoccupation pour toutes les choses que l’on ne doit surtout pas oublier de faire. Il n’y a rien de négatif à cela ! Le problème ? Quand elle déborde, et que l’on passe de la charge à la surcharge mentale. Ce basculement a des impacts à trois niveaux.
. Sur le plan cognitif d’abord, avec une capacité de mémoire et d’attention amoindrie.
. Sur le plan émotionnel ensuite, avec plus d’irritabilité et moins de patience.
. Sur le plan physique enfin, avec des douleurs au dos, des migraines ou encore des troubles du sommeil. Autant de signes qui doivent vous alerter, pour vous ou pour vos collègues, notamment si vous observez des changements par rapport à d’habitude. Il faut avoir conscience que ce sont aussi les signes précurseurs de l’épuisement.
Apprendre à dire non
Si votre charge de travail est objectivement trop importante, discutez-en avec votre manager et déterminez les tâches qui peuvent être déléguées, ou décalées dans le temps. Vous êtes peut-être aussi perfectionniste ce qui peut vous amener à perdre du temps sur ces détails que vous seul remarquerez ! Demandez des feedbacks sur votre travail pour trouver le bon niveau d’investissement. Mais ce sont aussi parfois les autres qui alourdissent notre charge mentale par leurs sollicitations. Il est alors fondamental d’apprendre à dire non, ou du moins à poser des limites. Par exemple, si votre collègue vous demande un coup de main pour son dossier, vous pouvez lui répondre oui, mais demain, pas aujourd’hui car vous avez d’autres priorités. Ou non, mais voici un site qui te sera utile pour avancer. L’idée est donc de comprendre les sources de votre surcharge pour agir le plus en amont possible. »