Parler vrai en entreprise : peut-on être « cash » ?
Par Patrick Rasandi, Fondateur d’IPRH Consultants, Formateur, coach certifié, membre du Bureau du Syndicat des Métiers du Coaching
S’il est fondamental de verbaliser et de ne pas croire que « les choses vont sans dire », il est tout autant fondamental de respecter la forme dans nos échanges avec nos parties prenantes.
Certaines personnes pensent que – dans leur environnement professionnel en particulier – verbaliser consiste à dire les choses mais sans ambages, parfois de façon abrupte, bref à être « cash » comme elles sont fières de le dire. Pour elles, cela signifie parler sans fard, ne pas se plier au politiquement correct, ne pas parler « langue de bois » et dire les choses de façon vraie. Cette croyance les entraîne à exprimer des opinions parfois très ou trop tranchées, péremptoires et qui peuvent stériliser les échanges en heurtant leurs interlocuteurs.
Les séances de coaching et les résultats de retours croisés à 360° montrent que notre impact est obéré par le manque d’attention que nous prêtons à la forme de nos messages et interventions. Professionnellement, ceci peut nuire à cet impact non seulement sensiblement mais longtemps. Certaines remarques désobligeantes ou manquant de tact peuvent laisser des traces parfois indélébiles.
Surveillez votre langage
Comme le dit le langage populaire, « on ne se refait pas », en particulier dans le feu de l’action. Néanmoins certaines astuces peuvent aider à réduire les risques cités plus haut. Tout d’abord il s’agit de bien préparer les interventions et de se relire soigneusement en se posant plusieurs questions : « Comment mon manager, mes collègues ou mes collaborateurs vont-ils les recevoir ? », « Comment réagirais-je si on me disait cela ? », « Comment puis-je formuler cette partie moins brutalement ? ». Ceci aide également à bannir les mots négatifs ou trop brutaux. Si malgré tout, vous savez que le naturel reviendra au galop, alors utilisez des précautions oratoires : « vous me connaissez, parfois je ne fais pas attention à la forme, parce que je me sens pris par le temps. Ce n’est évidemment pas contre vous. Si jamais c’est le cas, n’hésitez pas à me le faire remarquer » … « Si jamais c’était le cas, merci de vous concentrer sur le fond, même si la forme n’est pas très bonne… ». En faisant cela, vous envoyez un double message très puissant :
- Vous indiquez à vos interlocuteurs que vous faites attention à eux,
- Vous leur indiquez également que vous connaissez vos défauts et essayez de vous améliorer.
Préférez le « oui et » au « oui mais »
La formule « oui mais » est en réalité un non déguisé. En affaiblissant l’affirmation (le oui) par des objections, elle tend inévitablement à décourager l’interlocuteur. Une longue série de « oui mais » aboutit à un silence ou à une décision unilatérale, sans adhésion et à la frustration de la personne qui a émis l’idée.
Le « oui et », à l’inverse, permet de construire sur les propositions des autres et de les enrichir par des arguments complémentaires. Cette technique est d’ailleurs souvent utilisée dans les ateliers de créativité pour faire émerger des idées nouvelles.
Contournez les pièges du courriel
Outil de communication d’une efficacité inégalée, dans nos échanges en entreprise le courrier peut aussi devenir notre pire ennemi. Son immédiateté intrinsèque doit nous forcer à prendre du recul à chaque utilisation. Combien de fois avons-nous regretté d’avoir appuyé trop vite sur la touche « envoi » ? Combien de fois nous sommes nous aperçus que le message que nous venions d’envoyer contenait des erreurs de fond ou de forme (coquilles, parfois phrases incomplètes) ?
La tentation est forte de répondre dans l’instant à un courrier électronique qui nous heurte ou nous agace et la riposte peut être disproportionnée à ce que nous avions interprété à chaud comme une attaque et qui – après réflexion – n’en était peut-être pas une.
Le courriel fournit de trop nombreuses occasions de négliger la forme, par les réponses trop rapides que nous envoyons. Dans ces cas-là, nous sommes trop « cash » et cela gâche notre impact d’autant plus durablement que « les paroles s’envolent, les écrits restent » comme le disaient les Romains.
Quelques astuces faciles à mettre en œuvre peuvent aider à réduire le risque de « dérapage » :
- Relire systématiquement vos courriels avant de les envoyer,
- Éviter l’emploi abusif des points d’exclamation (!), des mots en gras ou des émoticons surtout s’ils comportent une connotation négative,
- Si votre réponse contient une dimension « politique » et si le délai vous le permet, écrivez-la et enregistrez-la dans vos brouillons. Vous la relirez quelques heures plus tard.
- Pourriez-vous régler le problème en allant voir la personne ou en lui téléphonant (certaines personnes au sein du même espace partagé communiquent de bureau à bureau par courrier électronique !) ?
- Posez-vous quelques questions candides comme : Avez-vous réellement besoin de répondre ? Quel délai pouvez-vous vous accorder ?
- Qui risquez-vous de froisser ou de court-circuiter en ne l’incluant pas dans la liste des destinataires ?
- Si vous êtes énervé, en colère, écrivez la riposte que vous avez tellement envie d’envoyer puis effacez-la. Vous vous sentirez sûrement plus calme et soulagé après.
En attachant autant d’importance à la forme de votre communication qu’à son fond, vous soulignerez le respect dont vous faîtes preuve dans vos interactions avec votre environnement professionnel. Cela vous aidera à renforcer votre impact en favorisant leur adhésion à vos propositions et manifestant une ouverture certaine à des avis différents.