| Tribune Février 2025

Tribune Février 2025

Thème : »Intelligence Artificielle et RH, une reconquête de notre intelligence. »

Par Manon le Naour, Directrice du développement d’IPRH Consultants, Formatrice en management, communication, vente, ressources humaines, auditrice. Coach certifiée. 

Le mot collaborer (co-, laborare, travailler ensemble à un projet, à un ouvrage) offre dès à présent un aperçu concret de la dynamique entre l’humain et l’IA. Cet article se concentrera sur ChatGPT. L’expérience (experiens), elle, implique les essais-erreurs grâce auxquels, la connaissance s’affûte tant pour l’humain que pour l’IA, cet agent conversationnel, capable de traiter plusieurs trillions de données et… d’engager une discussion avec vous. En effet, l’IA ChatGPT peut interagir avec nous de manière écrite orale : il ne faut pas négliger cet aspect.

Ressources Humaines et Intelligence Artificielle, l’expérience de la collaboration

Collaborer avec ChatGPT, c’est accepter l’idée que l’IA n’est pas un « outil », mais bien… une Intelligence artificielle, apte à traiter une question, produire du savoir, organiser un « matériau de pensée », produire des images, créer des tableaux, écrire du code, etc.

Réduire l’IA à un « outil », c’est refuser, voire nier, que l’humain a désormais en face de lui, un « en face » capable d’une forme d’intelligence ; ou perpétuer une « bien mauvaise » habitude de réduire tout ce qui n’est pas humain à… un outil. L’outil, rappelons-le, désigne un instrument physique de travail utilisés par les artisans. L’outil inerte, et sans aptitude, est pris et reposé selon l’utilité.

Réduire l’IA à un outil entraînera une scission chez les organisations actuelles avec celles de l’ancien temps (tout est outil et inerte sans l’humain) et celles d’un temps moderne (l’humain interagit avec l’IA).

Corréler et analyser des informations simples et complexes

ChatGPT, en tant qu’IA textuelle, développe une aptitude à l’apprentissage contextuel, comprend les nuances, est capable de « lire » des millions de livres, de décrire des images, de traduire des sons et de les transformer en savoir et en connaissances.

Un RH peut, par exemple, utiliser ChatGPT pour télécharger une ou plusieurs photos illustrant une activité. L’IA les décrit avec le degré de détails escompté par la personne, puis, extrapole à un poste les qualités, les compétences et les « impensés » utiles pour le RH.

ChatGPT bénéficie de la qualité de notre langue ; il est « analytique ». Cela a des avantages et des inconvénients. L’avantage réside dans sa qualité de retrouver une règle générale, des informations avérées à partir d’un élément isolé, afin de produire un savoir approprié. L’analyse peut avoir deux inconvénients. Le premier est d’halluciner, c’est-à-dire, se tromper en supposant vrais des idées, des arguments pourtant erronées : « Puisque ceci est vrai, alors cela doit l’être ». Le second est de se limiter aux généralités existantes : la récurrence du mot « résilience » ou « objectif » en est l’un des épuisants exemples.

Pour l’éviter, trois suggestions :

1/ Rédiger un « prompt » précis dans lequel les idées et les mots sont signifiés ;
2/ Demander une vérification des sources les plus sérieuses sur le Web ;
3/ Évaluer la réponse, le cas échéant, à partir de nos connaissances ou en réalisant un rapide contrôle approprié.

Corréler des informations, c’est entraîner ChatGPT à identifier les relations mutuelles entre plusieurs idées et des informations distinctes. L’avantage de le faire travailler en corrélation est de le conduire à produire un savoir supérieur à celui existant issu de l’analyse. Si vous lui demandez de faire une « corrélation ampliative » [corrélation = relation mutuelle entre ; ampliatif = amplifier, augmenter], il reliera, puis amplifiera ce que chaque mot offre comme qualité et manifestation.

Exemple Bonjour, tu es un recruteur expérimenté, ayant une formation anthropologique, peux-tu réaliser la corrélation ampliative de ces deux compétences s’il te plaît ? L’intention est d’identifier les critères d’objectivation à des fins de recrutement.

Qu’apporte la compétence « coder » en java » à la compétence « inventer » une application de recrutement ?

Voici la proposition de ChatGPT réalisée avec les versions o1-mini et 4o (ndlr : cliquez sur les deux précédents liens pour les consulter) ; nous constatons les nuances de réponses entre les versions, dont, en particulier la version 4o.

Le lecteur, la lectrice se demandera pourquoi il a été précisé « de formation anthropologique ». Tout simplement parce que cela confère à ChatGPT un référentiel à partir duquel il élabore sa réponse ; si nous avions écrit « de formation développeur Java », la réponse aurait été nuancée.

L’IA doit-elle être « éthique » ?

Il est récurrent de lire « quelle éthique doit avoir l’IA » ? Cette question rhétorique illustre le psychomorphisme ambiant. À l’instar de l’anthropomorphisme, dont le principe est d’attribuer aux animaux et aux plantes les attitudes et les caractéristiques humaines. Attendre une éthique de l’IA, c’est lui prêter des qualités propres à l’Être humain. C’est « projeter » ses attendus moraux occidentaux sur une technologie pour laquelle le « temps » n’existe pas. Car, « Être », c’est se spatialiser et se temporaliser de manière indépendante et autonome.

Rappelons que l’éthique désigne la morale et les mœurs. Il y a de « la morale » lorsqu’il y a un enjeu, un attendu, un rapport entre deux ou plusieurs personnes, lorsqu’il y a une question de justice ou de justesse concernant une situation, un bien, un travail, une récompense, un conflit, etc. Parler d’éthique pour l’IA, c’est projeter ce à quoi l’humain (ici, RH) doit lui-même veiller.

L’IA, en effet, ne juge pas si la personne tatouée est plus compétente qu’une personne sans tatouage, ou si la couleur de peau influe sur la qualité de travail, ou si le diplôme valide la qualité de production (tiré de faits réels), etc. L’éthique, la probité, la vertu, la valeur sont des modalités maîtrisées par les RH, c’est-à-dire comprises dans ce que ces mots signifient et appliquées dans ce qu’ils rendent manifestes.

L’IA n’a pas à « être » ce que l’humain lui-même n’incarne pas toujours. Cela pose un autre sujet : si l’IA doit « être éthique », donc douée de morale et de jugement, quel statut légal cela lui confère-t-il ? En effet, si l’IA se montre éthique, cela impliquerait qu’elle est une entité apte à apprécier les situations, à les évaluer, à leur donner une gradation ? Cela reviendrait à considérer l’IA comme un « Ego », c’est-à-dire un « je » indépendant, une entité à part entière.

Reconquérir l’intelligence humaine (soulager la charge mentale)

L’IA offre à la personne et aux équipes le temps nécessaire pour réactiver ce que l’on nomme « intelligence ». Cette intelligence humaine ayant la faculté d’imaginer, d’innover, d’investiguer, de penser, d’explorer autant que d’élaborer.

Concevoir, se représenter, se figurer est ce qu’offre le mot « imaginer » ; « débrouiller », quant à lui signifie littéralement : « mettre de l’ordre, démêler, se tirer d’affaire avec habileté ».

Collaborer avec l’Intelligence Artificielle, c’est lui confier notre « charge mentale », celle qui consiste à analyser, combiner, organiser, structurer, rechercher. C’est une charge non productive répondant à des contraintes organisationnelles, à des procédures, à des normes, à des généralités abstraites.

Reconquérir notre intelligence, voilà ce que l’intelligence artificielle nous permet d’accomplir.

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Article BONUS / Conseil coaching rédigé par l’équipe d’IPRH Consultants !

Thème : Présentiel vs télétravail : l’équilibre pro/perso au centre des préoccupations

EY a publié les résultats de sa 5e étude Work reimagined menée dans 23 pays. L’étude met en lumière les transformations profondes qui, actuellement, remodèlent le monde du travail. Et l’impact de l’IA générative dans les entreprises…

Un fort besoin de connexion à l’équipe

Selon l’enquête menée par EY Work Reimagined, 43 % des collaborateurs se disent aujourd’hui prêts à changer d’emploi dans les 12 prochains mois. Leurs attentes ? Elles évoluent : 42 % d’entre eux cherchent un management responsabilisant, 71 % un fort besoin de connexion à l’équipe ou encore 60 % un équilibre vie professionnelle/vie personnelle à prendre en considération. Par ailleurs, 23 % des collaborateurs et 46 % des employeurs expliquent se sentir en phase avec un modèle d’organisation qui laisserait la place à 3 jours de télétravail par semaine.

Si l’on compare maintenant les principaux problèmes au travail sur site par rapport aux principaux obstacles que peut soulever le télétravail, on constate que la principale difficulté évoquée à travailler sur site est la difficulté à concilier vie personnelle et activité professionnelle en restant productif (60 %). Autre problème évoqué par les collaborateurs, la complexité de faire se combiner des emplois du temps différents (58 %). Les obstacles à la productivité en télétravail sont plutôt l’absence de lien et de connexion humaine (62 %), la difficulté à conserver une distinction entre domaine personnel et professionnel (61 %) et la complexité de collaborer avec son équipe (58 %).

IA : l’usage explose en entreprise

L’étude montre aussi que l’usage de l’IA a explosé entre 2023 et 2024 puisque si 22 % des collaborateurs utilisaient l’intelligence artificielle il y a deux ans, le chiffre était passé à 75 % l’an dernier. Cette technologie fait par ailleurs rêver les employeurs qui sont 68 % à croire à ses impacts positifs, alors que les collaborateurs ne sont que 37 % dans ce cas. 45 % de ces derniers émettent même des craintes, pour seulement 12 % des employeurs.