| Tribune Décembre 2021

Tribune Décembre 2021

Par Manon Le Naour, Directrice du développement d’IPRH Consultants, Formatrice en management, Auditrice. 

Marre de Zoom ? Marre de la visio ? Les causes et les solutions pour atténuer la « visio fatigue »…

Zoom mais aussi d’autres solutions de visioconférence ont des défauts qui épuisent à la fois l’esprit et le corps. Cependant, il existe quelques astuces simples pour atténuer ces effets néfastes.

Le professeur Jeremy Bailenson de l’université de Stanford a examiné les effets psychologiques des heures passées quotidiennement sur Zoom et autres solutions de visioconférence. Ces pratiques sont en effet en forte progression depuis le début de la pandémie et l’accélération du télétravail.

« Plus de 49% déclarent souffrir de stress mental et émotionnel et être épuisées en passant beaucoup de temps devant des webcams durant la pandémie Covid-19» selon une étude du spécialiste de la productivité du travail Virtira intitulée: « L’enquête webcam – épuisé ou engagé? ». Cette étude réalisée auprès de 1700 personnes (employés, managers et dirigeants) a été menée aux Etats-Unis.

De même que « Googliser » est devenu synonyme de « recherche web », « Zoomer » est devenu un thème universel qui pourrait remplacer le fait d’assister à une visioconférence. Dans les faits, les meetings virtuels sont en hausse constante, avec des centaines de millions de personnes qui en font un usage quotidien, étant donné que la distanciation sociale et les restrictions ont éloigné les gens les uns des autres physiquement.

Dans un article publié dans la revue «Technology, Mind and Behavior» le 23 février, Jeremy Bailenson a souligné que son objectif n’est pas de nuire aux applications de visio ou vidéoconférence, qu’il apprécie et utilise régulièrement, mais de souligner l’impact de la diffusion de ces technologies sur la fatigue et de proposer des changements d’interface et améliorations de fonctionnalités faciles à utiliser. Comme le dit le professeur Bailenson, « la visioconférence est une bonne chose pour la communication à distance, mais ce n’est pas parce que vous pouvez utiliser la vidéo que vous devez le faire ». Les lecteurs sont également invités à participer à une étude du laboratoire Virtual Human Intercation Lab de l’université de Stanford visant à mieux comprendre le phénomène de « zoom fatigue ».

Il existe quatre raisons principales pour lesquelles les vidéoconférences fatiguent les utilisateurs.

Trop de contacts visuels rapprochés

La quantité de contact visuel et la taille des visages sur les écrans ne sont pas naturels sur les applications de visioconférence. Dans les réunions, les gens se tournent généralement vers un conférencier tout en prenant des notes ou en regardant ailleurs. Pendant les réunions « Zoom », tout le monde se regarde, et un auditeur est traité comme un orateur. En d’autres termes, même si vous n’intervenez pas, tous les visages vous fixent. La quantité de contacts visuels est donc significativement augmentée.

Selon la taille de votre écran, les visages des appels vidéo peuvent être trop grands. « En général, pour la plupart des configurations, pendant un appel vidéo, vous voyez des visages à une taille qui simule un espace personnel que vous vivez normalement lorsque vous êtes avec quelqu’un dans l’intimité » selon Bailenson. Quand le visage de quelqu’un est tellement proche de nous dans notre vie réelle, notre cerveau l’interprète comme une situation intense qui pourrait mener à l’intimité ou au désaccord. C’est donc ce qui se passe  lorsque vous utilisez Zoom pendant de très nombreuses heures : vous êtes dans cet état « hyper-excité ».

Que faire ? La solution recommandée est d’utiliser Zoom sur un écran minimisé afin de diminuer la taille du visage et d’utiliser un clavier externe pour permettre une augmentation de la bulle d’espace personnel entre soi et la grille.

Se voir tout le temps est épuisant

La plupart des applications de visioconférence montrent à quoi vous ressemblez pendant les réunions. Le professeur Bailenson cite des études prouvant que « lorsque vous voyez un reflet de vous-même, vous êtes plus critique sur vous ». Beaucoup d’entre nous se voient désormais de longues heures chaque jour. Une situation stressante, documentée par de nombreuses recherches qui montrent qu’il y a des conséquences émotionnelles négatives à se voir dans un miroir aussi longtemps.

Que faire ? L’une des solutions préconisées est d’utiliser le bouton « Hide self-view », auquel on peut accéder en cliquant avec le bouton droit de la souris sur sa propre photo, une fois notre visage correctement encadré dans la vidéo.

Les chats vidéos réduisent notre mobilité

Les conversations téléphoniques et en face à face permettent aux humains de se promener et de se déplacer. Mais avec la visioconférence, la plupart des caméras ont un champ de vision défini, ce qui signifie qu’une personne doit généralement rester au même endroit. Le mouvement est limité d’une manière qui n’est pas tout à fait naturelle. « Les études montrent que lorsque les gens bougent, ils fonctionnent mieux sur le plan cognitif », selon Bailenson.

Que faire ? On recommande aux gens de réfléchir davantage à la pièce dans laquelle ils sont en visioconférence, à l’emplacement de la caméra et à la question de savoir si des éléments comme un clavier externe peuvent contribuer à créer de la distance ou de la flexibilité. Par exemple, une caméra externe plus éloignée de l’écran vous permettra de gribouiller dans les réunions virtuelles comme nous le faisons dans les vraies. Et, bien sûr, d’éteindre périodiquement sa vidéo pendant les réunions est une règle de base pour se donner un bref repos non verbal.

Une charge cognitive beaucoup plus élevée

Durant les échanges et interactions en face à face, la communication non verbale est naturelle. Chacun fait et interprète inconsciemment les gestes et signaux non verbaux. Mais, dans les chats vidéo, nous devons travailler plus dur pour envoyer et recevoir des signaux. Ainsi, si vous voulez montrer à quelqu’un que vous êtes d’accord avec lui, vous devez faire un signe de tête exagéré ou lever le pouce. Cela ajoute de la charge cognitive et utilise des « calories mentales » supplémentaires.

  1. Lors d’une visioconférence, les gestes peuvent signifier différentes choses. Par exemple, un coup d’œil de côté à son voisin lors d’une réunion en présentiel n’a pas la même signification que celui d’une personne qui regarde hors de l’écran parce que son enfant vient de rentrer de l’école.

Que faire ? Une des solutions préconisées est de s’accorder une pause audio ponctuellement. Toujours selon Bailenson, « il ne s’agit pas uniquement d’éteindre votre caméra pour ne pas avoir à être actif de manière non verbale, mais aussi de détourner votre corps de l’écran de sorte que, pendant quelques minutes, vous ne soyez pas étouffé par des gestes réalistes sur le plan perceptif mais dénués de sens social ».