| Tribune Avril 2024

Tribune Avril 2024

 

« En management, l’élégance n’est pas une option ».

Par Patrick Rasandi, Fondateur et dirigeant d’IPRH Consultants, Formateur, coach certifié, Membre du Bureau du Syndicat des Métiers du Coaching.

Si le dirigeant ou le manager exerce une fonction d’autorité, avec pour principale mission d’être un décideur, c’est par ailleurs un animateur d’équipe. Ainsi, il revient au management la responsabilité de recruter, motiver, fédérer, piloter les collaboratrices et collaborateurs, et retenir les meilleurs. Cette fonction d’autorité est aussi une fonction d’exemplarité, car celle ou celui qui dirige un service, un département, une entreprise joue un rôle de modèle, en étant la personne la plus observée par ses équipes, et qui à ce titre fait référence. C’est pourquoi, tant au niveau émotionnel, personnel, que professionnel, elle doit savoir faire preuve d’élégance.

La tenue seule ne fait pas tout

En management, convoquer la notion d’élégance, c’est évoquer une question d’attitude et non d’apparence physique ou de tenue vestimentaire. Il va de soi que chaque moment de la vie professionnelle impose une tenue adaptée, par respect pour ses interlocuteurs (externes comme internes), et pour l’image qu’on va donner de son organisation, de sa marque, de ses équipes, notamment en situation de représentation.

Cette élégance est en premier lieu personnelle. Parce qu’une fonction d’exemplarité place tout dirigeant ou manager dans la position du modèle, celui ou celle qui fixe les règles doit déjà commencer par les respecter. Être exemplaire est donc une forme d’élégance, dont on manque clairement quand, par exemple, on exige de ses équipes qu’elles soient très vigilantes avec les dépenses de fonctionnement sans s’en préoccuper soi-même. Dans les grosses entreprises, les grandes vagues d’économies ciblent souvent les politiques de voyage ou d’attribution des véhicules de fonction. Il sera toujours très mal perçu que les efforts ne soient demandés qu’à certains, quand d’autres continueront à dépenser sans compter, voire même sans se cacher, pour affirmer une position de supériorité. Quelle merveilleuse idée d’agir ainsi, pour qui veut démotiver ses équipesdégrader un climat social, susciter des freins, de la démission passive ou effective… Dans le même esprit, il n’est ni cohérent, ni intelligent de partager ou promouvoir des valeurs d’entreprise sans s’y référer soi-même dans tous ses actes de management, ou en se dispensant de les respecter.

L’élégance est question de comportement

L’élégance doit également être professionnelle. Il peut s’agir d’apporter de simples réponses à des collaborateurs qui attendent votre validation pour poursuivre leur mission, ou qui sollicitent votre arbitrage pour débloquer une situation. Ne demandez pas à vos équipes d’agir vite, d’être à la fois efficaces et rapides, si c’est vous qui devez les freiner dans l’avancement de leur travail.

L’élégance professionnelle, c’est aussi respecter une organisation du travail partagée, hors situation exceptionnelle. Le mode crise ne peut pas être considéré comme un mode de fonctionnement permanent. On ne convoque pas, et certainement pas en dernière minute, des réunions de travail en fin de journée. On ne met pas de pression gratuite sur les collaborateurs pour livrer un travail le lundi, les obligeant à y consacrer leur week-end. On ne reste pas connecté avec ses équipes le soir, samedi, dimanche, pendant les vacances et jours fériés, pour partager ses idées en continu, ou les interroger au fil de ses pensées du moment.

L’élégance professionnelle consiste évidemment à respecter la vie personnelle de chacun, et à ne jamais s’immiscer dans leur intimité. Être exigeant au travail est une chose. Cela n’autorise pas de débordement intrusif ou d’empêchement de la déconnexion.

Plus opérationnellement, l’élégance professionnelle, c’est au quotidien savoir déléguer, et respecter l’expertise de ses collaborateurs, sans remettre en cause leur autorité professionnelle, en permanence, par du micro management.

Rester professionnel sans craindre d’être sensible

Enfin, l’élégance est assurément émotionnelle, puisque le management est avant tout une question relationnelle. Qui n’est pas capable de faire preuve d’empathie, ne pourra jamais être un très bon manager. Comment être l’animateur d’une communauté professionnelle, sans s’intéresser à celles et ceux qui la composent, sans avoir le goût des autres ? Il ne s’agit pas de créer ou entretenir des relations affectives ou amicales avec ses collaborateurs (ce n’est par ailleurs pas interdit, il faut néanmoins savoir le gérer, et c’est un autre sujet), mais de s’intéresser à chacun, de connaître ses collaborateurs, afin de pouvoir les faire travailler en harmonie, en solidarité, en complicité, pour aller chercher la bonne énergie, l’efficacité, si possible de la performance, et dans le meilleur des cas du plaisir.

Créer de la relation ou développer un relationnel demande notamment de prendre le temps d’un contact direct et personnel avec chaque membre de ses équipes, si ce n’est tous les jours, pas moins d’une fois par semaine… si l’organisation le permet. C’est être attentif et à l’écoute. C’est créer les conditions d’échanges où chacun est assez en confiance pour s’exprimer et partager un point de vue, une idée, une réserve ou une critique. Où chacun est à l’écoute des autres, sans risquer de se sentir agressé ou mis en cause personnellement. Où chacun a le sentiment de jouer un rôle au sein d’un collectif qu’il veut faire progresser. Où l’effort est récompensé, où les succès sont célébrés, où les tensions sont apaisées, où les échecs sont assumés par le chef, voire valorisés pour en tirer des enseignements.

L’élégance émotionnelle, c’est rester professionnel sans craindre d’être sensible aux autres.

L’élégance est un défi de chaque instant

Être élégant, veiller à l’être et à le rester, est un défi de management. C’est vraiment une question d’attitude, parfois de petits gestes qui en réalité comptent beaucoup : mettre de côté son téléphone le temps d’écouter et échanger avec une personne, arriver à l’heure aux rendez-vous ou aux réunions, regarder dans les yeux les personnes avec lesquelles on parle, sourire à chaque fois que possible, détendre l’atmosphère, servir de bouclier au lieu de décharger son stress sur ses équipes, se mettre au niveau des autres et les porter, et non leur demander de se mettre à son niveau et les supporter, donner les codes à celles et ceux qui ne les ont pas, au lieu de leur reprocher de ne pas les deviner… L’élégance, c’est aussi veiller à être accessible dans son langage, en évitant le jargon, les acronymes métiers incompréhensibles, les anglicismes inutiles.

Être élégant est une forme d’exemplarité. Et au travail, notamment, être exemplaire demande de faire preuve d’élégance, qui n’est assurément pas une option.

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Article BONUS !

« Nous fonctionnons souvent en mode pilotage automatique »

Par Manon Le Naour, Directrice du développement d’IPRH Consultants, Formatrice en management, communication, vente, ressources humaines, auditrice. Coach certifiée.

« L’intelligence émotionnelle, c’est la capacité à apprendre à piloter ses émotions. Ces dernières sont inévitables, elles font partie de nous. Le problème, c’est que nous fonctionnons souvent en mode pilotage automatique.

Développer son intelligence émotionnelle permet ainsi de ne pas se laisser déborder par ses émotions, mais aussi de ne pas les nier. Il est alors clé de comprendre le message qu’elles nous délivrent afin qu’elles nous guident dans nos choix et nos décisions.

Le premier pas ? Ne jamais réagir à chaud, sous le coup justement d’une émotion, notamment de la colère. Face à un événement, prenez toujours le temps de la réflexion. La raison, c’est un peu l’émotion qui a refroidi. Vous verrez qu’à la suite d’un mail qui vous agace, attendre quelques heures (voire le lendemain) va vous permettre d’élaborer une réponse plus mesurée. Vous y verrez plus clair et ferez preuve de davantage de discernement. Si vous répondez immédiatement, vous risquez de regretter vos mots ou votre ton. Pour s’entraîner à développer votre intelligence émotionnelle, observez les autres. Menez vote enquête : repérez quand quelqu’un boude ou s’énerve, observez son attitude, essayez de cerner ce qui a déclenché l’émotion et quel besoin n’a pas été satisfait. Est-ce par exemple le besoin de reconnaissance ou sécurité ? Qu’est-ce qui va ensuite permettre à cette personne de retrouver de la joie et de l’enthousiasme ? Voyez ensuite comment vous l’appliquer à vous-même lorsque vous êtes triste ou en colère. Vous verrez qu’il y a forcément des analogies avec votre propre comportement. »