| Tribune Juillet 2025

Tribune Juillet 2025

Coaching et intelligence artificielle : pourquoi l’humain reste irremplaçable !

Par Patrick Rasandi, Fondateur et dirigeant d’IPRH Consultants, Formateur, coach senior certifié, Membre du Bureau du Syndicat des Métiers du Coaching.

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L’intelligence artificielle (IA) occupe une place croissante dans l’ensemble des secteurs professionnels. Elle investit désormais le champ du coaching. Assistants virtuels de développement personnel, outils d’aides, plateformes conversationnelles capables de guider un utilisateur dans ses objectifs professionnels ou personnels : l’IA semble aujourd’hui en mesure d’offrir un accompagnement accessible à tout moment, structuré et à moindre coût. Une question s’impose dès lors : dans ce nouveau paysage, quelle est la valeur ajoutée d’un coach humain ? Et, plus largement, que reste-t-il du cœur éthique et philosophique de la pratique du coaching ?

Une démocratisation bienvenue, mais à encadrer

L’essor de coachs virtuels présente des perspectives intéressantes. En rendant le coaching plus accessible auprès de publics jusqu’alors éloignés du coaching traditionnel, notamment les jeunes actifs, les travailleurs indépendants ou encore les managers débutants, l’IA peut jouer un rôle ponctuel dans la clarification des objectifs ou le suivi d’actions. À condition toutefois de respecter des cadres déontologiques, à l’instar de ceux promus par la Fédération Internationale de Coaching (ICF), qu’elles garantissent la confidentialité des échanges, la bienveillance et la non-directivité.

Toutefois, une telle disponibilité permanente et la nature instantanée des réponses qu’elles apportent peuvent engendrer une forme de dépendance cognitive et émotionnelle. L’un des risques majeurs réside dans l’affaiblissement de la capacité de discernement individuel : lorsqu’une solution est fournie sans effort, ni délai, la dynamique de réflexion personnelle – pourtant centrale dans tout processus de développement – tend à s’amenuiser. Le coaching, au contraire, invite à un cheminement actif, suppose d’explorer ses propres zones d’incertitude et de se confronter à des points de vue différents du sien.

Le rôle irremplaçable de la relation humaine

Le coach humain n’est pas un fournisseur de solutions. Il ne se définit pas uniquement par ses compétences techniques. Il est, avant tout, une présence vivante, capable de soutenir l’ambiguïté, d’accueillir les émotions et d’oser confronter. Là où l’IA tend, par construction, à renforcer la logique de l’utilisateur et à le conforter – en validant implicitement ses croyances ou décisions -, l’intervention humaine introduit un espace de tension productive et maintient un cadre de réflexion exigeant. Elle questionne, provoque parfois l’inconfort, refuse l’immédiateté des réponses. Ainsi, le coach humain favorise l’émergence d’une résilience authentique et durable, car c’est souvent dans l’incertitude que les changements s’opèrent.

En outre, la dimension corporelle des émotions, souvent négligée dans les interactions numériques, reste au centre du travail d’accompagnement. Comme le rappelait Spinoza, les émotions ne sont pas uniquement mentales, elles sont vécues dans le corps. Une part essentielle du coaching repose ainsi sur la perception fine de ces signaux, sur leur mise en mots dans un dialogue incarné, loin des modélisations linguistiques, aussi sophistiquées soient-elles.

Une complémentarité possible, dans une juste mesure

Il ne s’agit pas d’opposer frontalement intelligence humaine et intelligence artificielle. Dans de nombreux contextes, l’IA peut constituer un outil complémentaire utile, par exemple pour préparer une séance, structurer un plan d’action ou documenter une problématique. Mais elle ne peut en aucun cas remplacer le lien humain, qui reste le cœur du processus.

Le coaching relève d’un savoir-faire, mais aussi d’un art relationnel qui mobilise des qualités encore propres à l’humain : la capacité à faire preuve de cette sagesse, la conscience de ses propres biais, l’ouverture à la surprise et à l’erreur. À ce titre, l’erreur humaine ne constitue pas un défaut à corriger, mais un facteur d’ajustement, de progression et parfois même de transformation.

L’IA, par sa précision et sa neutralité, offre un modèle de perfection. Mais elle ne génère ni désaccord, ni inconfort, ni contradiction. Or, ce sont précisément ces éléments – le doute, la frustration, la confrontation – qui rendent le coaching véritablement fécond. C’est dans l’imperfection de la relation humaine que réside sa richesse et non dans la fluidité illusoire d’un dialogue sans aspérité.

Préserver l’éthique du coaching face à l’automatisation

L’enjeu actuel n’est pas de savoir si l’IA remplacera les coachs humains, mais de réfléchir aux conditions dans lesquelles elle peut enrichir sans appauvrir la pratique. Si le coaching devenait un simple service automatisé, il perdrait sa finalité première : accompagner une personne vers une meilleure connaissance d’elle-même et une autonomie renforcée.

Dans un monde qui valorise la rapidité et la fluidité, le coaching est un espace de lenteur, de complexité et d’humanité. Travailler son humanité, cultiver le doute, accepter l’imperfection et grandir : autant de dimensions qu’aucun algorithme ne pourra simuler pleinement. C’est à cette condition que le coaching pourra continuer à répondre à sa mission profonde : accompagner, en conscience, la réalisation d’un potentiel humain singulier.

L’IA ne remplacera pas ce qu’elle ne peut incarner. À nous, coachs, de jouer nos cartes et de cultiver notre humanité. Alors, nous saurons trouver notre place, même dans un paysage où les coachs IA deviennent plus visibles.

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NOUVEAUTÉ : Les fiches « Bonnes pratiques » de l’équipe d’IPRH Consultants

FICHE N°2 : Fortes chaleurs au travail : ce que la loi impose désormais aux entreprises

Vague de chaleur, comment éviter que la température ...

Avec l’arrivée de l’été, les fortes chaleurs peuvent rendre les conditions de travail pénibles, voire dangereuses. À partir du 1er juillet 2025, un nouveau décret renforce les obligations des employeurs : évaluation des risques, accès à l’eau, aménagement des postes, formation… Tour d’horizon des règles et bonnes pratiques à adopter.

Face à la hausse des températures sur l’ensemble du territoire hexagonal, voire aux alertes canicule dans de nombreux départements, les questions autour de la possible dégradation des conditions de travail des travailleurs sont prégnantes : doivent-ils continuer à travailler normalement ? Faire plus de pauses dans la journée ? S’arrêter pendant quelques heures puis reprendre ? Ou carrément refuser de travailler ?

Employeurs : quelles obligations face à la chaleur ?

D’après l’article L. 4121-1 du Code du travail, l’employeur a l’obligation de prévenir tous les risques susceptibles de porter atteinte à la santé ou de menacer la vie de ses collaborateurs. « L’ambiance thermique de l’environnement de travail fait partie des risques à prendre en compte », affirme Jennifer Shettle, responsable du pôle juriste, santé et sécurité à l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS). Cependant, aucune indication de température maximale au-delà de laquelle il serait dangereux ou interdit de travailler n’est précisée. Car « elle varie en fonction des contextes professionnels », explique-t-elle.

Les valeurs de 30° pour une activité sédentaire et 28° pour un travail nécessitant une activité physique peuvent être utilisées comme repères pour agir en prévention. Mais, « chaque entreprise doit anticiper les risques potentiels, les évaluer, et prendre les mesures appropriées pour assurer la sécurité physique et mentale de leurs équipes. C’est une manière de responsabiliser les employeurs », souligne la spécialiste.

Depuis le décret du 27 mai 2025, ces obligations sont renforcées : les entreprises doivent désormais évaluer formellement les risques liés aux fortes chaleurs et les intégrer dans leur stratégie globale de prévention. Cela implique notamment la mise à jour du Document Unique d’Évaluation des Risques (DUER), avec des mesures concrètes : analyse des postes sensibles, planification d’actions adaptées, et suivi régulier des dispositifs mis en place. Les employeurs devront également sensibiliser leurs équipes à travers des formations spécifiques sur les bons réflexes à adopter en période de chaleur. Ces dispositions entreront en vigueur au 1er juillet 2025.

A noter que dans les cas les plus extrêmes, les travailleurs peuvent exercer leur droit d’alerte ou de retrait, selon les articles L. 4131-1 à L. 4131-4 du Code du travail. « S’ils pensent être face à un danger grave et imminent, ils peuvent prendre la décision d’arrêter de travailler. Ils ne pourront pas être sanctionnés et n’auront pas de preuve à fournir. Leur ressenti et leur bonne foi seront suffisants pour justifier cette décision », note Jennifer Shettle. Ce droit s’applique pleinement en cas d’épisode de forte chaleur si aucune mesure préventive suffisante n’est mise en place, comme le rappelle la Direction générale du travail dans sa circulaire de juin 2025.

Quels sont les risques pour la santé des salariés ?

Afin de prévenir ces risques potentiels, il s’agit donc de prendre en compte plusieurs facteurs ambiants constitutifs d’un lieu de travail. Par exemple, « les habitants de Paris n’ont pas la même capacité à transpirer que ceux de Marseille, en raison d’un taux d’humidité différent dans l’air. 30 degrés dans la capitale ou dans le sud-est, ce n’est donc pas la même chose », illustre Frank Rivière, médecin du travail à l’INRS. En précisant : « La hausse soudaine ou progressive des températures, ce n’est pas non plus la même chose. Le corps doit s’habituer à l’arrivée des périodes de forte chaleur. En théorie, huit jours sont nécessaires. » C’est pourquoi, dans le contexte actuel, « il faut être vigilant, surtout au début. »

Cependant, ces facteurs ambiants ne suffisent pas à mesurer les risques de santé potentiels. Ils dépendent également de la nature de la mission à réaliser ainsi que des caractéristiques propres aux collaborateurs : « La santé individuelle a une grande importance. Certaines pathologies peuvent accentuer les effets négatifs de la chaleur, ou à l’inverse, la chaleur peut aggraver des maladies existantes. Tout dépend de la résistance de chacun et chacune », développe Frank Rivière.

Le plus grand risque d’atteinte à la santé, notamment lorsque le temps d’acclimatation est relativement court, selon le spécialiste de la santé, c’est le coup de chaleur : « C’est quand la température corporelle dépasse les 40 degrés. Cela entraîne des séquelles neurologiques et potentiellement la mort. Si certains salariés pratiquent une activité physique, les risques sont accrus, surtout en journée, étant donné que la température corporelle peut s’élever jusqu’à deux degrés supplémentaires. » Les symptômes visibles sont notamment : la fièvre, des vomissements, un état confusionnel, une peau sèche et chaude, voire un évanouissement. Le coup de chaleur constitue une véritable urgence vitale, dont le pronostic dépend de la rapidité de la prise en charge médicale.

L’autre risque, moins grave mais nécessitant aussi une prise en charge médicale rapide, c’est la déshydratation. « Lorsque nous avons soif ou que nous transpirons, nous sommes déjà déshydratés en réalité. » Cela peut se manifester sous forme de transpiration, de maux de tête, de faiblesse musculaire, ainsi que de nausées et de vomissements. Plus on avance en âge, moins on ressent la soif. C’est la raison pour laquelle, il ne faut pas attendre d’avoir soif, mais boire régulièrement toute la journée », recommande Frank Rivière, tout en rappelant les effets dévastateurs de la canicule de 2003, ayant provoqué plus de 19 000 décès.

Aménagements possibles : horaires, pauses, équipements…

Le spécialiste de la santé suggère ainsi de mettre en place des mesures individuelles, en fonction des antécédents médicaux et potentiels traitements, et collectives, en fonction de la tenue ou encore de la charge physique de travail.

Parmi les actions à entreprendre, les entreprises peuvent par exemple :

  • informer sur les bons réflexes à adopter ;
  • disposer de locaux climatisés et/ou dotés de stores ;
  • développer des espaces de pause ombragés et/ou végétalisés ;
  • limiter les efforts physiques des salariés ; mécaniser certaines tâches ;
  • augmenter la fréquence et la durée des pauses ;
  • adapter les horaires de travail ;
  • faire porter des équipements de protection permettant d’évacuer la sueur ;
  • mettre à disposition de l’eau fraiche ;
  • favoriser le travail en équipe et/ou mettre en place des dispositifs de secours en cas de malaise.

Certaines de ces mesures relèvent désormais d’un engagement concret de la part des employeurs. Au-delà de leur intégration dans les documents officiels, elles devront être activement mises en œuvre et contrôlées sur le terrain. Des inspections pourront vérifier la disponibilité effective de l’eau, la pertinence des horaires adaptés ou la présence d’équipements de protection. Autrement dit, l’enjeu ne se situe plus seulement dans l’intention, mais dans l’application effective, mesurable et continue des mesures prévues.

Anticiper les épisodes de forte chaleur

Dans les années à venir, en raison du réchauffement climatique, les épisodes de fortes chaleurs, voire de canicules et de sécheresses, vont se répéter et s’intensifier. Cela « va inévitablement modifier notre rapport au travail. C’est déjà compliqué, mais ça va l’être encore plus ! Certes, nous devons atténuer les effets du dérèglement climatique en réduisant les activités humaines polluantes, mais aussi apprendre à ralentir, à travailler autrement », complète Jean-François Naton, conseiller confédéral du Travail à la CGT.

Face à ce constat, le gouvernement a légiféré en 2025 pour forcer les entreprises à anticiper. Le décret du 27 mai impose une planification proactive du risque “chaleur”, notamment via des mesures concrètes à intégrer dans la gestion RH.

Pour éviter de se retrouver dans une « gestion de crise » de dernière minute, continue le syndicaliste, « les entreprises doivent mener des actions de sensibilisation pour que tout le monde ait conscience des risques encourus ; de formations pour adopter les bons réflexes entre le manager et ses équipes, mais aussi entre collègues ; investir dans les locaux ; adapter les horaires de travail, etc. » À noter qu’il n’y aura pas que la chaleur qui posera problème à l’avenir, mais aussi « le froid, les vents violents, ou les fortes pluies. »

Ce que dit la loi depuis 2024–2025 :

  • Le décret du 28 juin 2024 reconnaît la canicule comme un cas d’intempérie pour le secteur du BTP, permettant aux entreprises de recourir au chômage technique dès l’alerte orange Météo-France.
  • Le décret du 27 mai 2025, applicable dès le 1er juillet 2025, impose à toutes les entreprises, quel que soit leur secteur, de renforcer la prévention des risques liés aux fortes chaleurs, avec des mesures précises sur la ventilation, l’hydratation, la formation et l’aménagement des postes.