| Tribune Juin 2025

Tribune Juin 2025

Thème : »Boomers, générations X, Y, Z : et si on arrêtait de se coller des étiquettes ? . »

Par Manon le Naour, Directrice du développement d’IPRH Consultants, Formatrice en management, communication, vente, ressources humaines, auditrice. Coach certifiée. 

4 générations se côtoient aujourd’hui dans nos entreprises. Il peut y avoir jusqu’à 45 ans d’écart entre deux collègues. Une situation inédite, née de la transition démographique, qui représente un formidable levier d’innovation… à condition de savoir dépasser les étiquettes et les stéréotypes.

Sortir des cases dans lesquelles on nous enferme  

Les marketeurs et certains médias ont créé des catégories générationnelles que nous utilisons fréquemment pour classifier chaque collaborateur : la génération Z aurait un rapport différent au travail, les baby-boomers et la génération X seraient déconnectés et réticents au changement, tandis que la génération Y ne penserait qu’à son équilibre de vie et voudrait avoir un impact positif.

Mais que sont réellement ces catégories ? Chacune d’entre elles prétend définir une génération, c’est-à-dire regrouper toutes les personnes nées durant une période de 10 à 15 ans, considérée comme une « génération » spécifique. Ainsi, vous vous retrouvez dans une grille linéaire en fonction de votre année de naissance.

Imaginez un peu : des millions d’individus qui penseraient de la même manière simplement parce qu’ils sont nés la même année. Un véritable horoscope basé sur l’âge, n’est-ce pas absurde ? Et pourtant, c’est ce que la société et le monde du travail nous proposent aujourd’hui.

Pourquoi ces cases sont-elles absurdes ?  

Je suis personnellement convaincue que ces stéréotypes sociétaux font le lit de la perte de lien, de la peur de la jeunesse ou de l’expérience et du désengagement au travail. Non seulement cette grille nous enferme et nous oppose, mais avec elle, les relations entre les générations sont perçues souvent comme difficiles, tendues, conflictuelles.

On parle de fossé, de fracture, de crise, de choc, voire même de guerre ! À force de nous expliquer que la génération Z est différente, que les baby-boomers sont dépassés, que la génération X n’aime pas les nouvelles technologies, que la génération Y est individualiste… À force de stéréotyper nos comportements en fonction de notre âge, nous produisons des identités sociales qui véhiculent les inégalités.

Le résultat ? La discrimination par l’âge, l’âgisme, est la première forme de discrimination au travail et pèse autant sur les plus jeunes que sur les plus âgés. Nos entreprises se privent ainsi de forces vives précieuses dont elles ont besoin pour affronter les transitions en cours.

Stop aux stéréotypes qui collent à la peau des jeunes et des seniors au travail 

Saviez-vous que les catégories générationnelles ne sont pas reconnues par la science ? La recherche académique n’a pu démontrer aucune différence significative entre les générations concernant les besoins et les attentes au travail, par exemple.

Cette catégorisation ne fait que renforcer les stéréotypes et les préjugés dont notre cerveau est si friand. En réalité, il existe plus de différences au sein d’une même cohorte d’âge qu’entre les générations. Le genre, l’origine culturelle, les expériences, la personnalité, le vécu, la volonté, les évolutions de notre époque… Tant d’autres critères viennent influencer nos comportements et nos postures au travail.

Il est important de noter que ces stéréotypes liés à l’âge sont universels : il s’agit toujours des mêmes, qui se répondent l’un à l’autre et opposent frontalement deux générations. Le jeune manquerait d’expérience, tandis que le senior n’aurait plus d’énergie. Le jeune serait créatif et innovant, alors que le senior serait rigide et réfractaire au changement.

De tels stéréotypes ne font qu’alimenter les tensions et les incompréhensions au sein des équipes, détruisant ainsi l’intelligence collective.

Comment mettre en action l’intelligence collective intergénérationnelle ?  

Si vous souhaitez ouvrir votre entreprise à la richesse de la coopération intergénérationnelle et en faire un levier d’engagement et de performance, la première étape consiste à permettre à vos experts des ressources humaines, à vos managers et à vos équipes de déconstruire leurs stéréotypes et leurs représentations.

Il ne s’agit pas simplement d’une nouvelle case à cocher dans un tableau « Diversité et inclusion », mais d’une véritable transformation culturelle et systémique qui concerne autant les ressources humaines que la responsabilité sociale des entreprises et la culture managériale.

Donner une juste place à tous est un effort individuel et collectif, car les stéréotypes liés aux catégories générationnelles sont des automatismes difficiles à éradiquer, et la bonne volonté ne suffit pas.

Si vous laissez vos stéréotypes guider vos décisions de recrutement, vous risquez de passer à côté de talents exceptionnels. Croire que seuls les jeunes sont créatifs et innovants vous empêchera de reconnaître la créativité des candidats seniors. Penser que les seniors ne maîtrisent pas les nouvelles technologies vous fera manquer le geek passionné d’intelligence artificielle qui aurait pu révolutionner votre entreprise. Imaginer que les jeunes sont fainéants et les seniors fatigués vous limitera à recruter des profils entre 30 et 45 ans, vous privant ainsi d’une précieuse diversité et d’une capacité d’innovation essentielle dans un contexte de transformation.

Comment agir ?  

  • Evaluez précisément votre situation interne (lecture des indicateurs RH par catégorie d’âge, baromètre interne, focus groupes dédiés…) pour définir un plan d’action pertinent ;
  • Sensibilisez les équipes aux stéréotypes liés à l’âge pour questionner les représentations ;
  • Formez les managers à un management intergénérationnel qui va au-delà des cases Gen X, Y, Z et favorise une démarche de care et d’attention aux singularités.

Revenir au critère de la compétence pour recruter et faire grandir les collaborateurs, tout en prenant en considération la singularité de chacun, est un impératif. Mettre au cœur du management le partage des compétences et la coopération est essentiel.

En bref, embaucher des profils expérimentés et cultiver l’intelligence collective intergénérationnelle constituent un levier stratégique pour favoriser l’engagement des équipes, la croissance durable et la performance de l’entreprise.

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NOUVEAUTÉ : Les fiches « Bonnes pratiques » de l’équipe d’IPRH Consultants

FICHE N°1 : Gérer les conflits en entreprise : Les clés d’un bon management efficace et apaisé.

Dans un contexte professionnel tendu, marqué par les exigences de performance, les tensions interpersonnelles ou les transformations organisationnelles, le conflit est inévitable. Mais il peut devenir une opportunité de renforcer la cohésion et la communication au sein des équipes. Voici 4 étapes pour passer de la crise à l’opportunité, livrant des conseils aux managers pour transformer les tensions en leviers de progrès collectif.

Conflit au travail : la première erreur à éviter

Le problème principal survient lorsque l’on gère les conflits comme l’on est. Si l’on n’apporte que son caractère et son éducation dans la gestion du conflit, il y a un manque de flexibilité, d’intelligence relationnelle et d’adaptabilité à la situation et aux interlocuteurs.

On risque alors, par réflexe, de laisser éclater sa colère ou bien de fuir. Or, il est capital d’agir en fonction d’un choix éclairé, d’une prise de recul et d’une décision réfléchie, en se positionnant de manière à lâcher ce qui n’est pas important, ou ce sur quoi on n’a pas prise, et rester ferme sur ce qui est essentiel tout en trouvant un compromis acceptable pour tous.

Et même si la résolution du désaccord ne dépend pas de soi, il est possible de faire évoluer les choses et d’en influer le cours, sans pour autant se battre contre des moulins à vent !

Gérer un conflit : penser à la fois contenu et relation

En l’abordant à deux niveaux de résolution. Le premier est relatif au contenu même du conflit, le second concerne la relation entre les parties impliquées. Ainsi, considérer qu’il est plus important d’avoir raison et le dernier mot car on est titulaire de l’autorité, cela peut nuire à la qualité de la relation et à l’adhésion au sein de l’équipe. Trop souvent, les managers oublient ces deux dimensions du conflit. Or, c’est crucial de les considérer en même temps. Surtout dans un contexte de difficultés de recrutement, d’enjeux d’attractivité et de rétention des collaborateurs, d’importance croissante de la marque employeur et de l’image de l’entreprise : cette mise en perspective permet de garder à l’esprit qu’au-delà même de la résolution – ou non – du conflit se joue la qualité de la collaboration à l’avenir… D’où l’importance de savoir trouver un compromis en disant : « ce n’est pas ma solution, ce n’est pas la tienne, mais une troisième est trouvée qui nous satisfait. »

De plus, il faut comprendre qu’un conflit à deux se résout parfois à trois. Faire appel à une personne extérieure à l’équipe, voire à l’entreprise, comme un médiateur, c’est normal, ce n’est pas un aveu d’échec. Au contraire, c’est la preuve que le manager connaît ses propres limites et sait prendre du recul.

Quand le manager ne peut pas tout : penser médiation

Elle peut en effet persister à la résolution du conflit, notamment quand on est allé au maximum de ce qui était faisable et acceptable par les deux parties. La blessure nous renvoie à nous-mêmes et nous parle de nous : nos valeurs, nos besoins, ce qui est très important pour nous, ce qui a été touché chez nous. Et c’est pareil pour celle des autres. Donc s’intéresser à eux au-delà du conflit permet de prendre soin de la relation. Même si l’on n’est pas d’accord, on peut tout de même demander comment la dissension a été perçue, comment elle s’est passée pour l’autre, afin de montrer qu’en tant que manager, on sait faire la distinction entre l’objet de la discorde et le lien entre les personnes impliquées. C’est alors l’occasion, non pas de revenir sur ce qui a généré des tensions, mais sur la manière dont cela a été vécu. Il est capital que les managers puissent ouvrir cette porte, accompagner dans cette direction, même quand il n’y a plus de divergence. Cela permet, en plus, aux autres d’ouvrir les yeux sur des points dont ils n’étaient pas forcément conscients, l’attachement qu’ils peuvent avoir à l’équité, par exemple.

Se préparer en amont : les quatre dimensions à travailler

D’une manière générale, il faut déjà que la façon dont un manager prenne en main un différend soit en accord et en cohérence avec sa manière de gérer l’équipe. Si l’on caricature, il ne parviendra pas à mettre en place une résolution participative si son style est plutôt dirigiste.

Ensuite, il y a plusieurs types de préparation à mener qui conduisent à trouver la bonne posture. D’abord mentale : il est capital de comprendre – et faire comprendre aux collaborateurs – qu’avoir des points de vue différents ne signifie pas qu’ils sont opposés. De la différence naît la richesse. Alors que dans l’opposition, chacun cherche à avoir raison en estimant que les autres ont tort.

Ensuite, il y a la dimension émotionnelle : nous avons tous des réactions de base en lien avec notre personnalité et notre éducation. Il est donc essentiel de bien se connaître et de distinguer les réflexes de gestion de conflit, en lien avec qui l’on est, et la stratégie de gestion de conflit.

La préparation physique consiste à se rappeler que le langage non verbal est plus important que l’expression orale. Les interlocuteurs intègrent plus la façon dont on exprime les choses avec son corps que ce que l’on dit. En résumé, ce que je suis parle plus aux autres que ce que je leur dis.

Enfin la préparation verbale ne doit pas être négligée : souvent, on prévoit sa réponse et on oublie d’écouter. Or il est crucial de questionner l’autre, de le laisser s’exprimer en l’écoutant vraiment, de le faire reformuler, de lui demander ce qu’il pense et ressent. Il faut laisser la place à la réciprocité, et non se positionner comme un manager qui ne fait que justifier, expliquer, argumenter sans écouter. La question n’est alors pas de savoir qui prend le dessus et vers qui penche le rapport de force. Il s’agit de rester dans l’échange, faire circuler les idées et le ressenti.

Et tout cela est un entraînement à exercer au quotidien ! Si on n’utilise ces outils qu’au moment où survient un conflit, il est déjà trop tard…

Faire face à la colère : adopter une posture d’apaisement, pas de confrontation

En premier lieu, les managers doivent identifier clairement le degré d’agressivité acceptable à ne pas dépasser. Car on peut légitimement exprimer une frustration, par la colère ou l’agressivité, mais sans dépasser les limites. Etre violent ou se défouler sont des attitudes intolérables.

Je conseille aux managers qui sont confrontés à une personne en colère de prononcer les premiers mots sur le même ton que leur interlocuteur. Si ce dernier parle fort, on peut hausser la voix en disant: « S’il te plaît » Puis, juste après, faire preuve de calme en poursuivant, afin de montrer que, contrairement à l’autre, on sait se maîtriser. Et on l’amène ainsi à baisser d’un ton, alors que l’enjoindre de se calmer, c’est un ordre contreproductif ! Ensuite, comme il ne faut pas gérer un conflit à chaud, on précise « on en parle tel jour à telle heure », pour donner une perspective claire, et non juste évoquer vaguement « on en parlera plus tard ». Il s’agit donc d’un repli stratégique, et non d’une fuite, afin de considérer le problème à froid et avec du recul.

La seconde étape consiste à utiliser la méthode DESCDécrire ce qui se passe. Exprimer l’émotion ou le besoin. Spécifier ce qui est observable, quantifiable, mesurable. Conclure en posant les limites. Cela permet d’avoir plus d’impact tout en maintenant la confiance, qui est la clé du travail en équipe.

Autre posture efficace quand on est confronté à quelqu’un d’agressif et/ou en colère, c’est de ne pas se mettre en face, car cela renforce la dynamique conflictuelle, mais se positionner à 90 degrés, donc de profil l’un par rapport à l’autre.

Enfin, une démarche intéressante consiste à apprendre à parler en employant « je » et non le « tu qui tue », c’est-à-dire en désignant l’autre comme le fautif, la cause du problème. « Je » permet d’exprimer ce que l’on a ressenti soi, de l’expliquer à son interlocuteur sans le pointer du doigt.